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Par les chemins, les lacs et les rivières du Québec (1ère partie)

Tout voyage a forcément ses références, son histoire, ses motivations. Ce sont les récits de Davy Crockett, de Maria Chapdelaine et les accents de Gilles Vigneault qui hantaient nos imaginations lorsque nous nous sommes lancés dans l'organisation de cette équipée.

Vendredi 16 août

Paris – Montréal, c'est 7h40 de vol à la poursuite du soleil !

Pour un français, voyager au Québec est la façon la moins dépaysante d'aller en Amérique. Mais le Québec n'est pas la France, pas plus que le français québécois n'est le français tout court.

Quarante ans après la découverte de l'Amérique par Christophe Colomb, Jacques Cartier aborda au Canada, envoyé par le roi de France François 1er.

Cette histoire glorieuse explique l'attachement de ces régions à la culture française. Mais, depuis l'abandon de la « Nouvelle France » aux Anglais en 1763, les québécois, d'origine française, sont aussi un peu anglais. Ils ont cependant réussi à se créer une identité propre et – vaille que vaille – une langue.

Il est assez émouvant de lire sur la plaque minéralogique de chaque voiture la devise du Québec : « Je me souviens », qui exprime à quel point ce pays est attaché à son histoire.

Samedi 17 août

Après une nuit quelque peu perturbée par le décalage horaire, nous nous retrouvons autour d'une poêle dans la cuisine de l'auberge de jeunesse pour préparer en commun nos premiers pancakes au sirop d'érable.

Départ dans un « mini-van » de location pour les Laurentides, région située à 140 km au nord de Montréal. Après le trajet sur l'autoroute, nous découvrons pour la première fois un village québécois : Saint-Donat. C'est en fait une petite station de sports d'été et d'hiver (lac, montagne), en bordure du parc national du Mont Tremblant. Les maisons individuelles, en bois ou revêtues de lattes de PVC de toutes les couleurs, sont sagement alignées de part et d'autre de la longue rue principale. C'est verdoyant, propre, coquet... et un peu « kitch ».

Le temps est magnifique et pas trop chaud. Aucun moustique aux environs.

Pour entrer dans le parc, il faut payer 6,5 $ par personne. Puis, on nous indique où aller pour garer la voiture et faire le chemin envisagé. Enfin, il suffit de suivre les flèches jusqu'au bout et de faire demi-tour (sauf si, exceptionnellement, le sentier décrit une boucle). Donc, aucune manière de se tromper, aucune raison d'avoir une carte détaillée et aucune créativité ! Par contre, on randonne en toute sécurité. Et c'est ainsi partout au Canada !

Aujourd'hui donc, nous découvrons l'érablière à bouleaux jaunes et la Chute-aux-Rats. Nous sommes dans une forêt dominée par des érables mais dont le second arbre en importance est le bouleau jaune. Cet arbre nous laisse admirer, sur les parties de son tronc dont l'écorce se détache, une belle couleur jaune-rosée nacrée, comme l'intérieur de certains coquillages tropicaux.

Le soir, nous pique-niquons au bord du lac Archambault qui est idéalement situé à 100 m du « B&B », Myrtille se baigne dans les reflets bleu-rose du soleil couchant.

Dimanche 18 août

Sentier de La Coulée. Beaux belvédères sur la vallée de la rivière La Diable et sur le lac Monroe qui serpente tout en bas comme un ruban d'argent.

En fin de journée, la boucle du Centenaire nous fait traverser en 3h une forêt sombre, montagnarde et sauvage.

Lundi 19 août

Aujourd'hui, il est prévu 440 km en voiture, ce sera notre plus long trajet motorisé du voyage. Au Québec, les autoroutes sont gratuites et peu encombrées, mais la vitesse est limitée à 100 km/h. Il nous faudra aussi nous habituer aux indications de sorties dont les panneaux sont posés au dernier moment, parfois à l'endroit même de la sortie! La boite automatique ne sera pas en reste pour nous surprendre et provoquer quelques rires nerveux.

Notre objectif est le parc de La Jacques Cartier (sous-entendu : « de la rivière Jacques Cartier »). Nous y arrivons en milieu d'après-midi et il nous reste juste le temps de faire le sentier de L'Eperon qui offre de belles échappées sur la rivière encaissée et sauvage.

Nous nous trouvons dans le massif des Laurentides qui est un grand massif montagneux très érodé (maximum 1000 m d'altitude) situé au nord du fleuve Saint-Laurent. A ne pas confondre avec la région administrative des Laurentides dans laquelle nous étions les deux jours précédents lorsque nous avons parcouru le parc du Mont Tremblant.

Le village de Stoneham est 15 km avant l'entrée du parc. Nous avions bien repéré notre gîte cet après-midi de sorte que nous pouvons y arriver sans encombre à présent. Tenue par un couple de français, c'est une vieille maison familiale en bois où nous sommes accueillis chaleureusement.

Ce soir, c'est décidé, nous allons au restaurant ! On ne peut pas voyager au Québec sans goûter, au moins une fois, ce plat appelé « poutine » constitué de frites, de morceaux de fromage fondus et de sauce brune. Pas très raffiné et certainement parfait pour un coureur des bois ayant passé la journée à traquer le castor ! Pour nous, c'est un peu trop roboratif …

Mardi 20 août

Temps chaud et humide, ciel voilé.

Le petit déjeuner restera dans nos mémoires comme un des sommets de ce voyage et nous pourrons faire une croix sur le déjeuner. Fruits, yaourts, céréales, crêpes, oeufs au plat, fromage, toasts et confitures couvrent la table de leurs couleurs diverses et appétissantes.

Nous choisissons aujourd'hui de marcher sur le Sentier des Loups d'où nous apercevons les saisissantes fractures du massif des Laurentides envahies par les rivières Jacques Cartier et Sautauriski.

En soirée, une sortie nature nous tente, animée par un guide du parc. On nous promet rando pédestre et canoë. A 17h30 précises, nous voilà donc au rendez-vous. Après un assez long trajet en voiture qui nous fait contourner le parc, nous partons sur la trace de l'orignal. Cet animal typiquement nord-américain (son équivalent nord-européen s'appelle l'élan) est un grand cervidé herbivore qui vit dans la forêt boréale, c'est à dire une forêt nordique comme on en trouve au Canada et en Europe du nord, composée de bouleaux et d'épinettes noires (cousines de nos épicéas). Le mâle a des bois qui lui servent essentiellement à faire le beau auprès des femelles. Une fois passée la saison des amours, à la fin de l'automne, son panache tombe et repousse encore plus grand au printemps suivant. Pendant l'hiver, il se protège du froid dans les parties denses de la forêt qui constituent son habitation et son garde-manger. Malgré tous nos efforts, nous ne parviendrons pas ce soir à voir des orignaux, mais nous aurons observé leur habitat, leurs crottes, leurs traces, leurs bois et bien plus encore !

A la nuit tombante, nous arrivons au bord d'un lac et nous embarquons sur un de ces grands canoës d'origine amérindienne que l'on appelle rabaska et qui permit la pénétration de l'Amérique par les explorateurs français et canadiens aux XVIIe et XVIIIe siècles. Les indiens le recouvraient d'écorce. Ses dimensions sont impressionnantes : environ 10 m de long, 1,50 m de large, et 150 kg à vide. Il peut contenir 12 pagayeurs et porter des charges considérables. Mais pour nous, pauvres touristes, le guide ne distribue que trois ou quatre pagaies au hasard et se réserve le soin de faire lui-même le gouvernail à l'arrière.

Nous glissons sans bruit sur le lac, la lune apparaît peu à peu, un castor cherche à nous fuir, mais lui faisons-nous vraiment peur ? Le castor, avec sa fourrure chaude et imperméable si prisée, est la cause de la colonisation du Canada par les Européens. C'est un herbivore qui vit sur l'eau en se nourrissant de pousses d'arbustes situés au bord ou de plantes aquatiques. Il coupe les arbres en rongeant le tronc avec ses dents et fait des barrages sur les rivières pour créer des lacs. Son but est ainsi d'élargir son domaine pour accéder à plus de nourriture. Ce bâtisseur est aussi sociable puisqu'il vit en famille dans la cabane qu'il s'est construite sur son barrage. Dès lors, rien d'étonnant à ce que le castor soit, après l'homme, l'animal qui modifie le plus son environnement.

Tout au long de cette soirée, nous nous délectons de ces mots de français québécois, si savoureux, que nous entendons prononcer autour de nous et que parfois nous ne comprenons pas tout de suite. Deux exemples entre mille : « gruger » pour dire « ronger » et « la noirceur » pour dire « la nuit ».

Après toutes ces explications passionnantes, notre guide, décidément aux petits soins, nous sert une tisane de pousses de pin agrémentée de sirop d'érable. Nous voilà prêts à partir pour une bonne nuit tout en rêvant au grand orignal noir, roi de la forêt boréale, avec sa femelle toute blanche, volant au-dessus du bois d'épinettes.

(A suivre)

Fiche technique

Vendredi 16 août

- Voyage Paris – Montréal avec Air Transat

- Location de voiture chez Globe-car : globecar.ca

- Hébergement à l'Auberge de Jeunesse Hostelling International, 1030 rue Mackay, Montréal hihostels.ca/montreal

Samedi 17 août

- En voiture : 140 km

- A pied : 13 km ; + 200 m ; 4 h 45

- Hébergement à l'Auberge Archambault, 221 rue Aubin, Saint-Donat auberge-archambault.com

Dimanche 18 août

- En voiture : 100 km

- A pied : 17,8 km ; + 680 m ; 5 h 45

- Même hébergement

Lundi 19 août

- En voiture : 440 km

- A pied : 5,4 km ; + 205 m ; 2 h 15

- Hébergement au Gîte des Loups, 1ère avenue, Stoneham gitedesloups.com

Mardi 20 août

- En voiture : 40 km

- A pied : 11 km ; 3 h 30 ; + 447 m ; et la sortie nature en plus.

- Même hébergement

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