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A la mémoire d’un ami cafiste

Pour Ignace 

Plusieurs fois j’ai déposé sur ce blog des petites fantaisies inspirées par les bons moments passés ensemble lors de nos week-ends de ski de fond. Aujourd’hui je voudrais trouver les mots pour dire tout autre chose.

Quand nous nous sommes retrouvés à La Féclaz ce mois de janvier 2010, il a bien fallu admettre que l’un d’entre nous ne serait pas là. Nous avions l’habitude de le compter d’office parmi nous, brillant skieur, aimant les grandes traites dans la neige, les espaces boisés. Il aimait se retrouver avec nous dans ce massif des Bauges, dans le Jura ou ailleurs.

Ce samedi, le plaisir de l’avoir avec nous fait brusquement défaut. Nous allons par les pistes et chacun par-devers soi le cherche des yeux. Se souvient de son sourire, de sa bienveillance, de son attention aux autres. Lui qui sans en avoir l’air donnait le tempo au groupe. Endurance, fluidité de l’allure. Comme un bel exemple à suivre dans ce sport, de loin pour la plupart, car il filait comme le vent sur ses skis.

Le brouillard glacé de cette journée est propice aux évocations. Sapins enneigés, ombres esquissées, traces indistinctes. Ami ta présence résiste. Tu nous accompagnes encore. Et nous skions pour toi, Ignace.

Dimanche matin, par surprise, le soleil nous éblouit. Bernadette a proposé de nous réunir quelque part dans la forêt. L’idée serait d’observer un temps de silence à la mémoire de notre ami parti. Un endroit convenable se présente, exposé au sud. La terre encore engourdie dans l’ombre, le soleil à mi-hauteur des sapins. Nous nous plantons à leur pied. Bernadette prononce quelques mots, l’émotion l’empêche de continuer. Un grand silence s’établit, celui de la nature quand le vent se tait. Les uns fixent le sol, d’autres les arbres sur le ciel. Nous n’en menons pas large. Aucun bruit, sauf les cœurs qui battent. Les yeux nous brûlent un long moment. Sur la fin, deux petits oiseaux lancent de discrets « tit tit » dans l’air vibrant par-dessus les sapins, et c’est tout. Ce chant ténu vient clore notre modeste cérémonie d’adieu.

Nous redescendons sur terre, le regard mal assuré, les esprits chahutés par ce moment intense. Quelqu’un pour tous remercie Bernadette d’avoir rendu cela possible. Et nous quittons notre chapelle improvisée dans les bois.

Certains comme moi ont à peine connu Ignace. Juste partagé quelques journées avec lui. Assez pourtant pour avoir apprécié sa présence et sa qualité d’homme. Je mesure le chagrin de ceux qui l’ont eu pour ami ou pour camarade des années durant. Cet instant de silence de notre petit groupe nous a rapprochés d’eux et a joint notre peine à la leur.

Que sa mémoire vive en nous tous.

Pour ma part je me souviendrai de son regard serein et bienveillant. Les jours pénibles je chercherai cet abri.

Jean-Luc le casseur de skis

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