Dégradation de peintures rupestres

JFM
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Dégradation de peintures rupestres

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Irrespect de l'environnement. Un exemple caricatural, publié le 21/04/2021 dans "Le Monde".

"Dans l'Utah, un alpiniste plante ses pitons dans des pétroglyphes précolombiens"

Menacé de mort sur les réseaux sociaux (menaces tout aussi idiotes que le comportement de ce rochassier), le grimpeur avait confondu des gravures amérindiennes vieilles de plusieurs siècles avec de simples graffitis. Il risque jusqu'à un an de prison et une amende de 20.000 dollars.
Par Simon Cherner .
"J'étais horrifié et furieux. Lorsqu'il escalade, début avril, une des parois du parc national des Arches, dans l'Utah, Darrin Reay peine à en croire ses yeux. Venu inspecter le Sunshine Wall, près de la ville de Moab, l'une des dalles historiques de la région, le varappeur chevronné découvre au milieu des pétroglyphes précolombiens séculaires un circuit balisé de pitons métalliques encastrés dans la roche. Ces ancrages disposés tout le long de la vingtaine de mètres de la dalle, sans la moindre attention pour l'art rupestre préexistant, l'affectent profondément. Darrin Reay enrage d'autant plus que, non content de porter atteinte à un site d'une grande importance historique et culturelle, la pente à escalader, cotée de niveau 5, ne pose aucun problème à tout sportif confirmé. «C'est un peu pathétique de boulonner illégalement une route 5.3», s'est-il scandalisé avant de se mettre à dépitonner ces lames de la paroi...
Décrochés de la roche le jour même de leur découverte, ces quelques pitons laisseront malgré tout derrière eux des traces irrémédiables sur la paroi gravée par les Amérindiens de la culture Fremont, qui habitaient les terres arides de l'Utah entre le Ier et le XIVe siècle de notre ère. Malheureusement, il ne s'agit que du dernier d'une longue liste de dégâts qui touche chaque année le patrimoine précolombien, comme l'a rappelé au Colorado Springs Gazette l'archéologue Elizabeth Hora, en charge du patrimoine historique de l'Utah. C'est scandaleusement commun, s'est-elle désolée. Les gens sont très créatifs dans la façon dont ils endommagent le patrimoine. Plus accidentelles que malveillantes, ces incivilités et ces dégradations sont montées en flèche depuis l'année dernière, à la faveur de la pandémie de Covid-19 qui a démultiplié les activités en extérieur.
Dans le cas des pitons encastrés au milieu des pétroglyphes du Sunshine Wall, le tollé suscité par l'affaire a fait sortir de l'ombre l'alpiniste coupable: un ancien militaire de Colorado Springs a ainsi reconnu être à l'origine du circuit balisé. Avouant à regret son erreur, l'homme, qui risque une amende de 20.000 dollars et jusqu'à un an de prison, a affirmé qu'il souhaitait baliser un parcours pour les enfants et les invalides, et qu'il avait confondu les glyphes anciens avec des graffitis contemporains. Alpiniste depuis quinze ans, il a déclaré au Colorado Springs Gazette s'être séparé de son équipement et attendre désormais son jugement par les autorités fédérales. Ça n'aurait pas dû arriver. Je n'ai juste pas été bien éduqué sur cette question, et j'en prends l'entière responsabilité», a-t-il ajouté au magazine spécialisé Outside.
La culture Fremont - ainsi appelée en référence à l'explorateur John Charles Frémont (1813-1890) - était une population précolombienne qui a habité pendant près de 1500 ans des terres qui correspondent peu ou prou à l'aire de l'Utah. Parmi les vestiges les plus reconnaissables qui nous sont parvenus, de nombreux pétroglyphes géométriques à figures zoomorphiques et anthropomorphiques ornent le paysage de grès orangé du relief rocheux des Arches. Difficiles à interpréter, ces glyphes pourraient représenter des éléments mythiques ou sacrés de la culture Fremont, et sont par conséquent traités avec déférence par les Amérindiens contemporains. La région étant très populaire auprès des réalisateurs hollywoodiens comme au sein des grimpeurs américains - ainsi qu'en témoignait à double titre l'ouverture acrobatique de Mission: Impossible II - les visiteurs savent généralement que ce patrimoine ancien est disséminé dans les parcs naturels de l'Utah.
Poser des pitons et escalader le long de ces sites d'art rupestre est tout simplement inacceptable, s'est ému sur Facebook l'écrivain et photographe Stewart Green, un fin connaisseur du parc des Arches et proche du varappeur Darrin Reay qui l'avait contacté après la découverte des pitons. Il est important de se rappeler que c'est un privilège de grimper sur nos différents magnifiques sites d'escalade à travers les États-Unis, a-t-il ajouté. Le fait est que nous ne pouvons plus faire tout ce que nous voulons en tant que grimpeurs. L'appel de Stewart Green a été repris dans un communiqué commun de plusieurs organismes de grimpe, publié le 14 avril : Il est essentiel que les alpinistes comprennent l'importance des pétroglyphes, non seulement en tant que fenêtre sur le passé, mais aussi en tant qu'élément permanent et vital de la culture et de l'identité amérindienne, et qu'ils s'engagent à protéger ces sites sacrés. Le vandalisme archéologique est pris très au sérieux par l'État de l'Utah qui s'est engagé à fournir plus d'efforts en matière d'éducation à propos de ce patrimoine inestimable."
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