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Raquettes dans les Pyrénées orientales

Au CAF, c?est comme dans la mode : On prépare toujours ses sorties avec une saison d?avance ! Nous étions à peine en juillet quand, je ne sais plus par quel hasard, nous est venue l?envie de marcher à raquettes du côté du Carlit. L?idée était lancée, il ne restait plus qu?à la réaliser... C?est ainsi que, le 24 février suivant, nous nous retrouvions à douze, lourdement chargés, devant la gare de Mont-Louis. « Il y a des plaques de neige gelée, il faut emporter les crampons. » avait dit Michel... Et il était resté inflexible. « Il suffira de les glisser dans le fond du sac. » Combien de fois n?ai-je pas entendu cette expression « dans le fond du sac » ? Je crois bien que les sacs de montagne ont un « fond » immense, extensible à volonté, beaucoup plus grand que le « dessus ». Evidemment, car dans le fond il faut mettre souvent une corde, des crampons, une couverture de survie, une trousse à pharmacie, diverses lanières ou sangles, une pelle démontable et une sonde pour la neige... Bref, tout ce qui est fait pour ne jamais servir. Et puis les sacs ont aussi un « extérieur », et c?est là que l?on accroche raquettes, bâtons et piolet !

Avec tout ce matériel, un mini-bus de vingt places n?est pas de trop pour nous monter au bout de la route, au « Pla des Avellans ». Ensuite il reste encore 4,5 km et 300 m de dénivelé sur une portion de route interdite à la circulation et non déneigée pour atteindre le refuge des Bouillouses.

Nous y déposons nos affaires et nous repartons avec des sacs légers pour faire le tour des lacs « Estany Llarg », « Estany Negre » et « Estany de la Pradelle ». Les lacs sont gelés mais nous n?osons pas nous aventurer dessus de peur de rompre la glace. Dans la large vallée de la rivière Angoustrine, quelques exercices de sauvetage en avalanche complètent l?après-midi (sécurité oblige !).

Le soir, c?est un plaisir de retrouver le refuge. Immuable comme la montagne, avec ses sabots en caoutchouc à l?entrée, avec sa salle hors-sac ou bien la bonne soupe servie à la louche par le gardien, inimitable et incontournable, du Mont-Blanc au Mercantour, de la Vanoise aux Pyrénées, le refuge du CAF reste toujours une valeur sûre. Et après dîner, autour de la grande table en bois, les langues vont bon train pour échanger des devinettes ou pour rêver à l?itinéraire du lendemain.

Dimanche, justement, il est prévu un temps bouché avec de la neige ! Nous partons donc pour la cabane de la Balmette en passant par le lac d?Aude. En forêt, nous le savons, nous serons protégés du vent. Vers midi, c?est dans une chaude ambiance que nous faisons notre entrée dans la cabane, où d?autres groupes de randonneurs sont déjà venu se réfugier.

La tempête de neige qui fait rage à l?extérieur nous oblige ensuite à rentrer par le trajet le plus court, ce qui fait quand même une bonne trotte puisqu?il n?a pas fait assez froid cette année pour envisager de marcher sur la glace du lac de Bouillouses. Lundi matin, le temps est nuageux, mais la météo annonce une embellie pour l?après-midi. Pour ce qui est du vent, par contre, il souffle à 120 km/h sur les crêtes et il n?est pas prévu d?accalmie. Il nous faut donc, à regret, abandonner notre projet de « faire » le Tossal Colomer, qui est un contrefort du Carlit, et nous satisfaire d?une randonnée plus modeste. Savoir renoncer est la dure loi de la montagne ! Nous nous dirigeons au sud, à travers la forêt, en nous relayant pour faire la trace jusqu?au sommet des pistes de Fond-Romeu. Malgré sa forte pente, une piste noire, fermée aux skieurs ce jour-là, nous permet de descendre vers la rivière Têt au bord de laquelle nous décidons de pique-niquer au soleil.

L?après-midi, une belle montée de 400 m sous la falaise du Roc del Felip et nous débouchons sur un large plateau venté qui se termine au lac d?Aude. Le vent souffle, la neige fuit autour de nous, entre nos jambes, nous fouette le visage. Le soleil filtrant à travers les nuages fait miroiter des vaguelettes d?argent. Nous cherchons des yeux la trace de la piste entre les croupes neigeuses.

Finalement le lac apparaît : Une étendue blanche et gelée en contrebas. Nos traces de montée de la veille sont déjà remplies mais encore visibles et il suffit de les suivre pour redescendre jusqu?au refuge. En conclusion à cette journée remarquable, le gardien nous a préparé de la « ventrêche au miel », un plat roboratif et un délice pour qui vient de marcher pendant huit heures !

Mardi, c?est notre dernier jour. La météo est bonne, mais il n?est pas possible de s?engager dans une randonnée trop longue car il faut être de retour à Mont-Louis ce soir. Le Puig del Pam sera notre but. Il faut d?abord contourner le lac des Bouillouses vers le nord jusqu?à la cabane de la Balmette. Le trajet est long et chaotique, il faut faire sa trace dans la neige vierge qui est tombée cette nuit.

Le Puig del Pam, bien visible depuis la cabane, est en fait un dôme qui se termine pratiquement à plat. Pour y accéder, il suffit de suivre la large croupe jusqu?en haut.

Un vent mugissant balaye le dôme dénudé. Nous avançons courbés et chancelants. Certains, sans oser le dire, se demandent pourquoi ils ont quitté « Paname » pour le « Puig del Pam »... Mais leurs efforts sont récompensés quand, au sommet, toute la partie orientale des Pyrénées se déploie devant eux ; du Pic du Géant au Canigou, et même, dans une échancrure, à droite du Madrès, comme un reflet bleu : La mer !

Malgré sa modestie, ce petit pic restera pour nous le symbole de quatre jours d?aventures, tellement il est vrai qu?en montagne l?essentiel n?est pas le sommet, mais la manière dont on gravit la pente.

Texte : Martine

Photos : Michel

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