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LA GIRAFE NE SE DEPLACE PAS SANS SES TACHES (et en plus, elle gagne 20 minutes de sommeil)

Un troupeau de girafes nous précède, battant l'amble à 7 km/h.

Une mouche m'a réveillée ce matin. J'ai ouvert un oeil et me suis faite aveugler par la lune : les signes d'une belle randonnée étaient là.
Sous le signe de la girafe, un animal très aimé, réputé d'une grande douceur, et qu'on a vu passer en Essonne pour la première fois en 1827.

 

 

 

 

LA GIRAFE NE SE DÉPLACE PAS SANS SES TACHES. 

(et en plus, elle gagne 20 minutes de sommeil)
 

     

Départ de Dourdan

Le chemin de Geoffroy Saint Hilaire.

 

Quand Geoffroy Saint Hilaire, originaire d'Etampes, ramena à pieds depuis le port de Marseille jusqu'à Paris le bel animal, cadeau du vice roi d'Egypte à Charles X, il ne pensa pas à faire un journal de voyage, comme Stevenson avec Modestine. Nous aurions pu marcher sur ses traces, en suivant le chemin de Geoffroy Saint Hilaire, sur un GR (comme girafe) de 880 km, qu'il parcourut en 41 étapes.

Pour autant, Zarafa (charmante en arabe,c'est ainsi qu'on la nommait) ne passa pas inaperçue, même si on ne sait pas exactement par où. Pour la protéger des intempéries, on la vêtit d'un imperméable en toile cirée à capuchon frappé aux armes du Roi de France et à celles du Pacha d'Egypte. Trois vaches (elle buvait 25 litres de lait par jour), une antilope, deux mouflons, des chevaux, des gendarmes avec leurs montures, un palefrenier et ses deux aides, un traducteur, des bagages, et toute une foule de badauds, c'est ainsi qu'il faut imaginer le randonneur et sa girafe. 
En Essonne, à Maisse et à Etampes, on trouve un "Hôtel de la Girafe", et à Ballancourt, une "Rue de la Girafe".

En 1827, arrivée à Paris, 600 000 personnes vinrent voir Zarafa la charmante. De nombreux produits dérivés découlèrent de cette girafomania : éventails, pots à tabac, coiffure à la girafe...
Certains pensent même que l'expression "peigner la girafe" viendrait du fait qu'un palefrenier était chargé d'étriller la girafe, occupation jugée longue, peu fatigante et inutile par les travailleurs de l'époque qui trimaient dur.
Mais si cela est plausible, il faut plutôt rapprocher "peigner la girafe" du terme "peigne-zizi", évocateur d'un onanisme réputé fainéant et peu productif. Le cou fièrement érigé de la girafe en est la cause certaine.
Zarafa mourut en 1845; elle fut aussitôt naturalisée. En 1931, elle fut transférée au Muséum d'histoire naturelle de La Rochelle, où elle est toujours visible.

 

Le coup de la girafe (ou l'effet Pangloss)

Pangloss, le precepteur de Candide dans le comte de Voltaire, rapporte qu'il n'y a pas d'effet sans cause et que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles.

 

« Il est démontré (...) que les choses ne peuvent être autrement : car, tout étant fait pour une fin, tout est nécessairement pour la meilleure fin. Remarquez bien que les nez ont été faits pour porter des lunettes, aussi avons-nous des lunettes. Les jambes sont visiblement instituées pour être chaussées, et nous avons des chausses."

 

    Une image rare : la girafe au repos, elle a ôté ses chausures. Une girafe ne dort que 20 minutes par jour, et souvent debout. Elle ne se couche que lorqu'elle se sent en totale sécurité, car elle a un mal fou à se lever, comme moi le matin (mais je dors quand même, tant pis)

 
Il en est ainsi du cou de la girafe, exemple devenu célèbre pour illustrer la différence entre Lamarck et Darwin.
Pour Lamarck, la longueur de son cou est le résultat d'une habitude. A force de vouloir brouter les feuilles des arbres, son cou, par dynamique interne, a fini par s'allonger. C'est un hypothèse finaliste : Une force interne ( ? ) à l'organisme de la girafe aurait modifié la longueur de son cou en fonction de ses besoins.

 

Pour Darwin, il s'agit d'une caractéristique héréditaire  sélectionnée par la nature. D'une génération  à
l'autre, les girafes aux cous les plus longs ont été avantagées pour se nourrir, et se sont donc reproduites plus facilement que les autres.
Les zététiciens luttent contre l'effet Pangloss ou raisonnement dit à rebours,  très répandu, et qui a la faveur des créationnistes et autres adeptes du dessein intelligent.
 

 Le répulsif anti-girafe

Un très beau sophisme par pétition de principe que tout étudiant en zététique connait bien :

 

 

  "- Pshitt pschitt
- Que fais-tu avec cet aérosol ?
- Et ben, c'est un anti-girafe, ça fait fuir les girafes.
- Mais il n'y a pas de girafe par ici !
- C'est bien la preuve que ça marche !"
 

 

 
Bref, la démonstration n'a de sens que si vous acceptez déjà la conclusion !
 
        
Le caméléopardis de l'occident médiéval.

Kamelopardalis, c'est ainsi que les grecs nomment la girafe dans la bible d'Alexandrie au IIIéme siècle avant JC, et jusqu'à aujourd'hui où l'on a conservé les deux formes pour son nom scientifique "giraffa camelopardalis".
Un animal africain, mélange de chameau et de léopard, souvent représenté parmi les animaux du paradis terrestre, mais rarement observé de visu, voici les ingrédients d'un animal qui restera longtemps mythique.
Lors de ses rares apparitions, elle a fait partie des échanges diplomatiques et des fastes royaux. D'ailleurs, les chinois l'avaient bien dit quand ils reçurent la première girafe au XVème siècle,  le "Qilin", animal mythique, ne se montre que si un sage est sur le trône.
(Un sophisme se cache dans la phrase précédente. Saurez-vous le retrouver ?)
 

Les girafes remercient Xavier pour cette randonnée sans taches.
33 km de Dourdan à Bouray, le 13 novembre 2011, à 5,5 km/h.

 

 

Plus de photos dans l'album, à paraître bientôt.

 

 L'effet Pangloss :

 lien : à propos de l'effet Pangloss, des préjugés, et du créationnisme

 

La première girafe de France :
"les avatars de Zarafa, première girafe de France - Chronique d'une girafomania : 1826-1845" Olvier LEBLEU, paru en 2006

 


La zététique ou art du doute :
Lien :  stage de zététique, esprit critique et autodéfense intellectuelle
Un autre lien le réseau cortex et ses outils d'analyse critique

plein de girafes rigolotes : http://www.onemilliongiraffes.com/blog

 

Commentaires

1. Le lundi 21 novembre 2011, 09:24 par Christelle B.

Formidable, j'ai maintenant un outil pour mémoriser qui de Charles X ou Louis XVIII était le premier!

Merci beaucoup, un tel blog est à te faire regretter de ne pas avoir participé à la sortie.

Peut-être à bientôt, Christelle

(Encore un quart d'heure de perdu à lire ton blog... c'est vraiment pas comme ça que je vais corriger mes copies)

2. Le lundi 21 novembre 2011, 13:26 par Super Milou

Merci Hélène pour ce magnifique reportage sur nos girafes franciliennes. Vous avez eu vraiment beaucoup de chance de les observer aussi bien lors de la randonnée de Monsieur X.

Une interrogation cependant : n'est-ce pas un peu inquiétant cette prolifération de la girafe en Ile-de-France ? Que vont devenir les cultures vivrières qui se multiplient face à la crise ? Les girafes risquent de les manger ainsi que nos forêts. Faudra-t-il édifier un mur de protection autour de nos forêts domaniales ?

N'est-ce pas un signe flagrant du réchauffement climatique ?

Déjà on avait vu la grande adaptation des kangourous sur Rambouillet et voilà maintenant les girafes !
Voir http://passionnature78.canalblog.co...

On attend le prochain reportage naturaliste.

3. Le vendredi 25 novembre 2011, 08:10 par Nathaly (1m82)

Excellent, je me suis régalée, un grand merci M'dame !
De toute façon, tout ce qui est grand est charmant :o)

4. Le samedi 26 novembre 2011, 10:10 par Fox

Joli docu-fiction !

On pourrait néanmoins déplorer la faute d'orthographe récurrente, mais ô combien courante, sur le mot "tache", qui ne prend pas d'accent. À moins que les pauvres camélidés ne soit sommés de s'y tuer (à la tâche) pour pouvoir survivre, comme nous autres, pauvres bêtes humaines.

Pour conclure sur un sourire, une petite citation de mémoire :

C'est ma faute,
C'est ma faute,
C'est ma très grande faute d'orthographe
Voilà comment j'écris
Giraffe.

(Jacques Prévert)

5. Le samedi 26 novembre 2011, 19:46 par Hellsy

>Fox
C'est corrigé.
Jusqu'à ce qu'on ait vu le premier exemplaire vivant, la girafe prenait 2 zèfs, comme encore aujourd'hui giraffa l'italienne et giraffe l'anglaise ou l'allemande.
Après quoi, giraffe et girafe cohabitent dans le premier quart du XIXème siècle, pour enfin se stabiliser en girafe.

6. Le lundi 28 novembre 2011, 23:26 par René

Merci pour ce joli récit :-)

Outre les girafes, d'autres animaux exotiques se plaisent bien en région parisienne : ce dimanche, nous avons vu des écureuils (tamia de Sibérie) en forêt de Sénart et j'espère que nous verrons quelques perruches à collier le 10 décembre.

7. Le mercredi 30 novembre 2011, 08:16 par xavier

Pour changer, dimanche 10 décembre nous partirons sur la piste de l'éléphant

https://www.clubalpin-idf.com/Espace...

8. Le mardi 7 février 2012, 13:42 par Olivier LEBLEU

Bonjour et bravo ! Très amusant... Mais je suis obligé de vous contredire sur un point : Etienne Geoffroy Saint-Hilaire a tenu une manière de journal de bord de la "translation de la girafe" au travers de sa correspondance avec le préfet de Marseille, Christophe de Villeneuve-Bargemon. Celle-ci s'interrompt cependant au-delà de Lyon, lorsque le ministre de l'Intérieur ne daigne pas répondre à la demande pressante de Saint-Hilaire pour mettre Zarafa sur une barge à Chalons...
Tout le détail dans mon ouvrage, Les Avatars de Zarafa (épuisé chez l'éditeur Arléa, vous pouvez le commander via FaceBook ou lesavatarsdezarafa@orange.fr)
Bien cordialement,
O. Lebleu

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