Ski de montagne Les trois vallées au pays des Karachaïs
Par Jean Jacques Bianchi
Pures lumières, athlètes capables d’avaler des dénivellations et des pentes impressionnantes, pour certains – malheureusement - au prix d’une abstinence totale à toute absorption d’alcool même à dose homéopathique
CAUCASE 2006
Ont participé à l’aventure :
François Renard
Laurent Thimothée
Bruno Declercq
Pascal Cordier
Jean Potié
Alice Rossignol
Handicapée par sa lourde valise à roulettes, à failli être rétrogradée,
mais a été heureusement cooptée.
Pures lumières, athlètes capables d’avaler des dénivellations et des
pentes impressionnantes, pour certains – malheureusement - au prix
d’une abstinence totale à toute absorption d’alcool même à dose
homéopathique
Olivier Krikorian Qui sait tout sur tout et parle
plus vite que son ombre
Nicolas Roirand Superman et cinéaste
Les membres permanents de la deuxième division, plus amateurs de
contemplation, d’éclectisme et de bon vivre :
Christian Paule
Ladick Murin Godilleurs invétérés, et déjà anciens «
caucasiens »
Véronique Malbos qui assure les liaisons radios
avec la première division, et particulièrement avec Pascal
Georges Tsao alias Mister Georges
Philippe Pecker à qui il arrive toujours quelque
chose d’extraordinaire, mais qui a quand même survécu à tout
Thierry Lecomte A la tchatche et l’humour niçois et
inextinguibles
Jean Jacques Bianchi, alias JJ Ko, - surnom local
donné aux vieux caucasiens, laborieux organisateur de cette aventure,
grâce surtout au travail et à la compétence de TST, dirigée par Alexeï
Shustrov, à la passion de la «peau de phoque » de Victor Komaritchev,
et aux talents de Ielena aux fourneaux
Et aurait mieux fait de participer, notre malheureuse Miriam
Forster, qui plutôt que de revisiter le Caucase a préféré
cette année, après bien des hésitations, traverser les Alpes de
Palanfre à Chamonix, et ainsi descendre un couloir savoyard très
piégeux sur une méchante avalanche…..
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Après deux séjours de 3 semaines dans le Caucase Central en 2004 et
2005, l’attrait de la nouveauté m’a poussé à visiter l’Ouest Caucase,
entre l’Elbrouz et les derniers grands sommets de la chaîne, région qui
s’étend versant nord, en Karachaeivo Tcherkessie, république autonome
au sein de la fédération de Russie.
A la suite de longues recherches préalables, le choix se porte sur trois vallées au caractère et à l’ambiance assez différents, et la date sur trois semaines de mars, du samedi 04 au samedi 25 mars 2006, certains ne réalisant que les 2 premières ou 2 dernières semaines, et les 5 plus « chanceux » la totalité des 3. Il n’a pas été possible de trouver d’hébergement hivernal dans les vallées situées vers l’Elbrouz, aux sources du fleuve Kuban, Ullukam, Uzunkol, Uchkullan, ni plus à l’Ouest dans la Daut Vallée, le cirque de Kuklor et la Marukh vallée, ce qui – compte tenu de la dimension du massif – interdit pratiquement leur accès en style « alpin » à cette saison. Nous irons donc successivement à Arhyz, Teberda / Dombai et Aksa’ut, région habitée par le peuple « Karachai », d’origine Ottoman comme les Balkars que nous avions visités l’année précédente dans les hautes vallées de Bezinghi. Si le Caucase Central – à l’exception des environs de l’Elbrouz et de Baksan – est rarement parcouru en « ski de rando », il est clair que la Karachaiévo Tcherkessie n’a pas connu à ce jour l’usage de la peau de phoque, le « ski toura » reste toujours aussi confidentiel chez les russes : comme l’année dernière, nous n’avons jamais croisé d’autres traces de « peau de phoque » que les nôtres ! La région de Dombai est l’objet occasionnel d’héliski – nous verrons un unique emplacement de dépose / reprise , impact absolument négligeable vue l’immensité du massif et les restrictions de vol à l’approche des zones frontalières.
Tous les sommets gravis et courses effectuées sont donc très
certainement des « premières ascensions hivernales en ski alpinisme ».
Les cartes, introuvables en France, sont au 1/100000ème, courbes de
niveau à 40m ou 80m.
Mais en contrepartie de ces aléas, on goûte au plaisir inaccessible
aujourd’hui dans les Alpes, d’explorer un massif, des sommets, des
vallées inconnues – même à notre modeste niveau – d’imaginer ses
itinéraires sans aucune référence préalable, de ne jamais rencontrer
d’autres traces que les nôtres, de découvrir de véritables bijoux, des
courses de grande classe, de la neige souvent exceptionnelle, et
beaucoup reste encore à découvrir.
L’enneigement dans l’Ouest Caucase était réputé
abondant. Soumis à l’influence assez marquée des dépressions
de la mer Noire, venant du Sud par la Géorgie, et relativement moins à
celle de l’anticyclone sibérien, qui amène le beau temps froid, nous
n’avons pas été déçus: à l’épaisseur déjà en place (1.50 m et plus à
1800 m d’altitude à Arhyz ! ) sont venues s’ajouter plusieurs chutes
abondantes successives, renouvellant ainsi régulièrement le manteau
neigeux qui se transforme assez vite en versant sud. En versant nord,
la neige reste assez longtemps « poudre « - la légendaire poudreuse du
Caucase - en quantité parfois impressionnante, voir quelques épisodes
forestiers à Arhyz, ou bien la remontée du glacier « Djalovchat » où
Laurent enfonçait sans peine son bâton jusqu’à la garde.
La météo est par ailleurs fréquemment du genre « situation de föhn »,
le versant Géorgien étant sous les précipitations, une barre de nuages
déborde plus ou moins sur la chaîne principale, et le soleil s’impose
dès que l’on s’éloigne vers le Nord , qui devient assez vite semi
aride. Les températures sont relativement « douces », avec une
forte différence selon les versants ( ombre / soleil ) et l’altitude :
le Caucase est à la latitude de la Corse.
Assez curieusement, le manteau neigeux même récent et en forte
épaisseur est relativement stable, les plaques à vent sont assez peu
fréquentes, mais on voit souvent de grosses coulées ( de fonte ) : la
prudence doit toujours rester de rigueur.
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Après la nuit passée dans l’Airbus d’Aeroflot, entre Paris,
Moscou puis jusqu’à Mineraldyé Vody, où Alexeï, Victor et Ielena nous
attendent. Un trajet d’environ 200 km ponctué de nombreux contrôles de
papiers et démarches administratives très obscures, et d’un arrêt
déjeuner dans notre premier «Kaphé», soupe, shalsnicks, salade, thé,
bière, et conclu par un transfert de véhicules, notre minibus n’ayant
pu franchir le dernier raidillon enneigé, nous amène à la nuit tombée
au village d’Arhyz, ( alt 1450 m env ).
Arhyz est la plus à l’Ouest de nos « trois vallées », et abrite les
derniers grands sommets de la chaîne : le « Gora Sophya », 3637m, et le
Pshysh , 3790m.
Le paysage est agreste, largement forestier jusqu’à 2200 m environ,
puis fait place à perte de vue à d’innombrables pentes de toute
exposition, très propices au ski. En amont du village, la vallée
principale se scinde en quatre, d’Est en Ouest , Kyzgych - occupée par
une zone forestière protégée et difficile d’accès, et qui abrite une
faune surprenante, Sophya – qui donne accès au sauvage cirque du
versant nord du Gora Sophya, Pshysh – qui mène à la grande pyramide du
Pshysh, et Arhyz, longue vallée qui communique par des cols faciles
avec ses voisines vers l’Ouest et le Sud.
Plusieurs refuges, campements, bergeries, etc peuvent servir de « camp
de base », nous passerons plusieurs jours à Taulu, et renoncerons à
l’idée du bivouac à « Lednikovaia », dans le haut de la vallée de
Sophya, celui-ci risquant d’être totalement enfoui sous la neige.
Depuis Taulu, ou les refuges voisins, l’usage d’un moyen de transport
sur neige ( chenillette, tracteur… ) capable d’assurer l’approche assez
plate et parfois très longue des fonds de vallons permettrait de
profiter de la variété exceptionnelle des possibilités du site : notre
ami Alexeï tente de motiver les autorités locales en ce sens.
Gîte chez l’habitant, chambres à 2 ou 3, une douche, les bons repas de
Ielena, et une petite nuit de sommeil réparateur.
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Pic « Pionnier » ( 2940 m env )
Première course : le « Pic Pionnier », bien nommé. Départ à travers la
rue principale du village d’Arhyz, moutons, vaches, et chevaux «
Karachais », animaux indispensables pour se déplacer dans les
montagnes, et suivre les immenses troupeaux dans leurs pâtures : l’un
d’entre eux – avec son cavalier – a gravi un jour le sommet de
l’Elbrouz, ( alt 5640 !! ) , les sabots munis d’une sorte de « crampons
»
Après avoir attendu Thierry, parti à la recherche de ses gants, nous
remontons un long couloir déboisé par les avalanches, où celles-ci se
sont accumulées sur plusieurs couches, et remorqués par Alice qui trace
droit dans la pente, contourne un éperon rocheux, nous nous élevons
directement au dessus du village.
Un appel téléphonique de Ielena – et oui, le portable fonctionne à
Arhyz !! – nous apprend que les habitants assis en cercle, nous
observent, stupéfaits par ces sortes de mouches de « Franzouskis » qui
vont se faire balayer par les avalanches, puis agréablement
impressionnés par la facilité ( enfin, vue d’en bas !! ) de la
progression et de la descente à skis qui suit.
Vent violent sous le sommet, nous ne nous attardons pas, et replongeons
directement par des goulets en neige profonde.
Le chef de village, qui n’était pas chez lui ce matin, nous prie très
aimablement de bien vouloir recommencer la démonstration pour qu’il
puisse assister personnellement à l’expérience : il n’est pas facile de
lui faire comprendre que doubler 1500 m de dénivelée n’est pas dans les
capacités des membres actuels qui ne sont encore qu’une simple «
deuxième division » !!
Le soir, repas de gala pour Olivier, qui fête son 31ème anniversaire,
foie gras, champagne, vodka, cigare ( à ne consommer qu’à l’extérieur
!! ), et déjà les premières parties de tarot…
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Pik Dinnick ( 3015 m env )
Approche en camion dans la haute
vallée d’Arhyz, Thierry jure avoir aperçu par la fenêtre un loup au
coin du bois….
Impossible de passer la première rampe sérieuse, nous chaussons les
skis et traçons dans la profonde jusqu’à « clairière de lune »,
aboiement des chiens près des bergeries, traversée raide de la forêt,
je crois passer du spray anti botte sur mes peaux, mais en fait,
c’était de la colle Col tex…. Bonjour les sabots !!
Puis larges pentes ouvertes, et encore le vent violent près du sommet,
où nous ne nous attardons guère.
La descente sur une neige assez variable, de la bonne poudre à la
croûte !!
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Vallée de Sophya
Montée ( réussie cette fois ) en camion au refuge de Taulu ( alt 1585
env ), au carrefour des vallées supérieures où nous assistons au départ
d’un détachement de l’armée russe, avec Kalachnikov et skis en bois
brut, type fond alpi nordique, et sans peaux évidemment, à la recherche
d’improbables étrangers démunis de voucher dans la vallée d’Arhyz…
Après avoir pris possession des lieux, petits bungalows style refuge
alpin, nous partons rapidement explorer les premières pentes de la
vallée de Sophya, enfilons la première combe à droite. Forêt, puis on
prend pied sur une arête assez étroite qui devrait nous conduire à un
premier sommet sans nom, alt 2686 m sur la carte, qui semble pouvoir se
prolonger jusqu’au point coté 3031 m
Les pentes sont chargées et plaquées par le vent de ces derniers jours,
l’ambiance est tendue, par prudence, nous renonçons dans une traversée
assez aléatoire et, suivant scrupuleusement à la descente notre trace
de montée, les peaux sous les skis, exécutons à l’envers une conversion
déjà critique à la montée, où Alice se fait quelque frayeur.
Nous préférons finir la journée en coupant du bois pour alimenter les
poêles et chauffer le sauna : les Karachais possèdent une technique
très nettement plus performante que la notre au maniement de la hache
face à un tronc d’arbre.
Il neige, il va neiger toute la nuit, et encore le lendemain
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Aujourd’hui, neige mouillée toute la journée devant le refuge, nous
préférons rester à l’abri, Thierry, Alice, Nicolas, Olivier, Ladick et
Bruno se lancent dans d’interminables parties de tarot, entrecoupées de
séances de coupe de billots à la hache, et de sauna
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Le temps s’améliore lentement, nous repartons dans le vallon de Sophya,
en versant nord cette fois. Il ne fait pas froid, sous les flocons
résiduels nous remontons la forêt, torse nu, dans une épaisseur
impressionnante de neige fraîche où l’on trace avec lenteur
Nous nous arrêtons vers 2550, sous le pik Kosai - pic « penché », par
crainte des accumulations et des plaques. La descente sera
d’anthologie, de la profonde au dessus du genou, Olivier toujours
optimiste, explose dans un nuage, et nous devons sortir pelles et
sondes pour retrouver – non sans difficulté - le ski qu’il a
perdu.
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Grand soleil, après une nouvelle nuit de neige.
C’est notre dernière journée à Taulu, il faut en profiter pour faire
une « grande course », malgré les risques liés à l’abondance de la
neige. Nous optons pour le cirque de Kel Bachy et le « Kara Djash »
coté 3220, en remontant le 4ème vallon rive gauche de Sophya, et
espérant redescendre en traversant par le 5ème vallon.
Mais les conditions nivologiques vont en décider autrement, ainsi que
les imprécisions de la carte qui ne permet guère d’obtenir une
estimation fiable du relief. Remontée de Sophya vallée jusque
près des bergeries de Lednikovaia, traversée du torrent sur une
passerelle très étroite, deux troncs à touche touche, mais surtout
surmontés par une masse de neige de 1.50 m d’épaisseur, formant d’un
côté une corniche surplombant le torrent. Une fois engagé, il n’est pas
possible de se situer par rapport aux troncs. Je passe le premier. Pour
corser l’exercice, une marche de plus de 0.50m coupe en deux le passage
au milieu du pont. Christian, qui passe en numéro 5, finit par casser
la corniche et tombe avec ses skis dans le torrent, heureusement amorti
par la masse de neige. Il se relève avec difficulté, un coude
douloureux et trempé jusqu’aux os. Ladick et Olivier préfèrent
traverser le torrent à pieds, et en ressortent avec les chaussures
gorgées d’eau. Il fait froid, d’où une certaine inquiétude pour nos «
handicapés »
Encore une traversée de forêt.
L’environnement devient austère, un premier gros verrou et quelques
larges couloirs d’avalanches.
Nouveau cirque, plaine fermée par des aiguilles rocheuses, le seul
passage pour continuer vers le sommet du Kara Djash est sur la droite,
raide et extrêmement chargé, il n’est guère pensable de s’y engager. Le
soleil est éclatant. Nous tournons à main gauche vers les crêtes qui
nous surplombent, suivant quelques rochers qui devraient ancrer la
neige.
Nous renonçons à 150 m sous le col Kubachi, par crainte des plaques. Mais la descente même écourtée sera dans une neige magnifique. Dans la forêt assez dense, Thierry heurte violemment sa main sur un arbre, et en retirera un gros hématome.
Retour à Taulu, puis descente à Arhyz village, notre camion suit un
tracteur forestier chargé d’énormes billes et qui oscillent et tanguent
à travers les ornières et rails de neige de la piste.
Le soir, nous préparons les bagages pour le premier transfert, qui doit
nous conduire à Dombai.
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DOMBAI
Sur la route, nous visitons au passage une grotte – à la quelle on
accède par un sentier escarpé et très glissant, tout en zig zag dans la
falaise – qui présente de très anciennes représentations du christ, et
qui domine une église orthodoxe. Ce site remonte en fait à la présence
des « Alains », qui ont commencé leur carrière comme envahisseurs de
l’Europe Occidentale, puis se sont christianisés et sont revenus en
Asie, essaimant au passage dans le Caucase leur nouvelle religion, bien
avant l’arrivée des Ottomans et de l’Islam, ils constituent les «
Ossètes » actuels, maintenant regroupée principalement en Ossétie du
Nord : encore une pierre dans la mosaïque des peuples du Caucase.
Par une journée qui aurait été idéale pour le ski, bercés par Jules
Dassin dont les cassettes sont très « tendance » au Caucase, nous
déjeunons à Karachaievsk, puis traversons la bourgade de Teberda.
A 1550 m environ Dombai est une « petite » station de ski où 6 ou 7 remontées mécaniques montent à trois mille mètres dans un cadre grandiose: Dombai Ulghen ( le « bison abattu » ), 4046 m, point culminant du cirque et premier 4000 à l’Ouest Caucase, l’aiguille du pic Ine, et une longue crête rocheuse, abrupte, de nombreux sommets et glaciers aux noms exotiques, le Belalakaya, le Cervin du Caucase (3861 m ), le Sofrodju (3780 m ), pics Herzog et Djalovchat (3890 m ), qui alimentent l’imposant glacier Alibek vers le Nord Est, le glacier Dvou Lazichny vers le Nord, et grand glacier Djalovchat vers la vallée voisine d’Aksa’ut, que nous devons visiter la semaine prochaine. Teberda, qui abrite une des plus anciennes réserves naturelles de l’ex URSS, signifie en Tcherkesse « contrée montagneuse », 83% de son territoire de 83000 ha se trouve à plus de 2000m.
La faune y est remarquable : le
dernier bison du Caucase, espèce endémique et maintenant disparue, y
fut abattu en 1927, bien que protégé depuis des années. Y abondent
encore malgré le braconnage, les ours, loups, lynx, bouquetins du
Caucase, chamois, panthères, et toute la faune « alpine ». Le loup
chasse le bouquetin, le cerf, le chevreuil. L’ours a l’habitude de
récupérer en creusant la neige à la fin de l’hiver, les cadavres des
nombreux bouquetins et autres mammifères tués par les avalanches :
équilibre de la vie sauvage !!
La flore et les forêts sont aussi exceptionnelles : sapins, épicéas,
trembles, érables, hêtres, bouleaux, peupliers, arbres et arbustes
divers, pelouses, tourbières, fleurs et herbacées en tout genre,
participent aussi à la survie de la faune, et évoluent maintenant hors
de toute exploitation même traditionnelle.
Les 7 nouveaux qui entament leur séjour à la semaine 2, François,
Laurent, Philippe, Jean, Pascal, Véronique, Georges, nous rejoignent à
l’hôtel Dombai, au style et à la gestion encore un peu ex-soviétique.
Alexei nous en dévoile les principes issus de l’époque de Staline et du
KGB : le système impliquait que pour survivre, chacun devait un peu ou
beaucoup magouiller, donc se mettre « hors la loi », et devenait
vulnérable aux agents du dit KGB, qui tenaient ainsi dans leurs mains
l’ensemble du pays, et pouvaient à tout moment envoyer quiconque au
Goulag….Même à Dombai, l’usage de la peau de phoque et la randonnée à
skis sont inconnus, et très surprenants même pour les skieurs de piste
et alpinistes locaux, qui se contentent en hiver de monter péniblement
à pieds pour quelques courtes descentes à skis. Ladick,
sensible au charme slave, en verra son prestige personnel encore
rehaussé « alors, c’est vraiment vous les « Franzouskis » qui gravissez
les sommets à skis « ??
Avec Alexeï, nous rendons visite à un de ses anciens camarades
d’alpinisme, qui se rappelle avoir reçu un jour de 1982, un équipement
de « ski de rando », et qui, après quelques essais personnels, faute de
mode d’emploi, les a remisés dans la cave !!.
Véronique se remémore un voyage déjà ancien à Dombai, dont le but était
le ski de fond, mais où il lui a été impossible de trouver le moindre
matériel sur place !!
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Mussa Achitara et son versant Nord
Nous utilisons la chaîne d’antiques remontées mécaniques, petits
télésièges à prendre au vol. Puis débat : peau de phoque immédiate, ou
bien un peu de piste – ici, généralement peu ou pas damée ??
Je tranche en partant immédiatement vers le sommet de la crête de «
Mussa Achitara », ( 3200 m env ), puis les cracks de la première
division mènent le jeu en traversant vers l’Est l’arête qui redescend à
un col côté 3012, d’où on plonge dans une combe, plein nord, dans une
poudreuse de cinéma - il est vrai, déjà tracée par une dépose
d’héliski. Nous remontons ensuite à main droite vers un col secondaire,
suivi par une descente délicate qui traverse vers un nouveau vallon,
que l’on enfile jusqu’au Mussatcha, sommet coté 3350 m, le tout dans un
joyeux «désordre «.
Alors qu’un convoi de huit costauds, sans un seul regard vers
l’arrière, zig zague déjà dans la pyramide sommitale, il nous semble
entendre des appels lointains, que je mets longtemps à localiser : un
point rouge s’agite tout en bas, sur le col qui précède la traversée
avalancheuse. Je tente de nous compter, après plusieurs essais – il ne
m’est pas possible de voir tout le monde à la fois – j’en conclus qu’il
manque effectivement quelqu’un du groupe. Par radio, les
informations se précisent. C’est Philippe qui manque à l’appel
!!! Mais que lui est il arrivé pour se trouver ainsi en retard, et
surtout, comment aucun d’entre nous n’a remarqué la situation ? C’est
pour moi incompréhensible, j’en suis personnellement choqué, et
n’apprécie guère l’indifférence du reste du groupe.
Avec Alexeï, nous retournons au pied de la pente dangereuse, soucieux
de ne pas laisser Philippe s’engager seul sans être vu.
Bientôt, nous faisons la jonction. Philippe a eu des difficultés avec
ses fixations, en fait un bouchon de glace dans l’étrier avant de ses
Low Tech, phénomène qu’il ignorait et pour lequel il n’avait pas
l’outil pour nettoyer correctement: il est monté à pieds, enfonçant
jusqu’à la taille dans la profonde, puis a heureusement pu rechausser à
la descente.
Nous nous mettons en sécurité à trois, et attendons le retour du reste
des autres.
La descente se poursuit dans une belle poudreuse, le long des traces
des « héliskieurs », qui s’interrompent sur le plateau inférieur, où
une reprise a été effectuée. Simples randonneurs livrés à leurs propres
moyens, nous continuons dans le vallonnement, qui bientôt se transforme
en gorge étroite, ambiance cascade de glace encadrée de forêts raides
et guère praticables : avec prudence, nous suivons un itinéraire
tortueux qui finit, à force de virages sautés – spécialité d’Olivier-
entre troncs d’arbres et autres obstacles, par déboucher dans la vallée
de Gonachkir, qui s’ouvre vers le cirque de Kuklor, et rejoindre une
route enneigée.
Surprise : d’un bâtiment désert et inachevé du parc national de Teberda
surgit le gardien des lieux, pour qui nous devons passer pour des «
extra terrestres ».
Quelques uns d’entre nous acceptons volontiers son invitation, et avec
Victor, goûtons à l’Airan, yaourt traditionnel et succulent, fermenté
avec des champignons, et Véronique essaye sa médecine universelle, à
base de résine de pin et autres produits locaux, élixir apte à soigner
les rides du visage et à offrir la jeunesse éternelle !!
Malheureusement, sans la présence du « chef », il n’a pas osé nous en
vendre.
Nous rejoignons à skis la route principale qui doit nous ramener à
Dombai : les portables ne passent pas, et les espoirs d’affréter un
véhicule s’envolent. Nous commençons à faire à pieds les 8 km qui nous
séparent de l’Hôtel, quand une camionnette qui descendait s’arrête et
nous propose de nous remonter. Miracle ou fonctionnement du « téléphone
Karatchaï » ??
Longue journée quand même : 1000 m de montée ( à peaux ), et 2400 m de
descente, et beaucoup d’imprévu !!
Ce soir, les sympathiques « conneries » du camarade Thierry font place
à de plus sérieuses discussions au sujet du programme « ski alpinisme «
des jours à venir.
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Le déroulement de la journée précédente confirme qu’il est nécessaire
de dédoubler le groupe, trop nombreux et surtout pas assez homogène. Se
constituent ainsi une « division 1 » , une « division 2 » qui vont
vivre de façon autonome, et un petit groupe intermédiaire qui va
osciller entre les deux au gré de la forme et de l’envie.
Nous décidons de monter rapidement au camp Alibek, ( alt 1875 ) qui a
vu passer depuis de nombreuses années les jeunes alpinistes russes.
Alexeï y a fait ses premières armes.
Camion et véhicule 4x4 nous y amènent, par une piste de 7 km qui trace
une tranchée à travers les masses de neige.
A proximité du camp, un « fil neige », simple câble tournant en continu
et auquel on doit s’accrocher et se décrocher soi même au vol par un
genre de pince individuelle permet aux russes de savonner quelques
hectomètres de piste.
Le bâtiment qui nous abrite pour la semaine est confortable et agréable
: électricité, chambres à 2 ou 3, douches, sauna, etc
Situé au carrefour de plusieurs vallées, de glaciers et de parois,
c’est une base idéale pour les courses, qui se déroulent soit en face
sud, soit en face nord où les itinéraires sont souvent longs et de haut
niveau.
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Col Alibek ( 3180 env )
La division 2 va reconnaître l’itinéraire d’accès à ce col, qui est une
des possibilités de traversée ultérieure vers Aksa’ut.
Montée au relief très varié, au pied des falaises du sommet dit « de la
femme couchée », la combe en plein soleil est particulièrement chaude.
Ayant « grillé » la pause casse croûte, j’atteins seul et largement en
tête l’échancrure du col, balisé par une aiguille rocheuse
caractéristique. Le col se traverse effectivement sans difficulté, au
moins pour ce que l’on voit de l’autre versant. L’incertitude subsiste
sur la sortie de cette vallée, qui – à la lecture de la carte et selon
les informations recueillies - est fermée par une gorge glaciaire et
des pentes pouvant poser problèmes en hiver.
Nous gravissons le sommet anonyme ( alt 3350 env ) qui domine le col,
et descendons par les pentes qui plongent directement plus au nord de
notre itinéraire de montée : mauvaise pioche, la neige avec le regel de
surface devient rapidement croûtée infâme !!
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Djalovchat ( sommet principal : 3890 m ), et ses divers
satellites.
Ce sommet, situé sur la frontière géorgienne, présente un relief
complexe et mal représenté sur les cartes, au point qu’un doute –
éternel – planera sur le nom exact du sommet gravi..
Une première tentative est faite par l’itinéraire qui, après avoir
passé un morceau de forêt et descendu une moraine, remonte la grande
combe orientée Est qui ferme la vallée, passe au col Sulachat ( 3100 m
), puis le glacier Dvou Lazichny orienté Nord Est.
Une barre de séracs, et la pente raide et chargée qui suit ne pourront
être ni franchies ( altitude 3400 env ) ni contournées : belle descente
néanmoins sur une superbe poudreuse sur la partie glaciaire.
Le lendemain, la « division 2 « se heurtera au même obstacle.
Une deuxième tentative – plus fructueuse celle-ci - est faite par
l’itinéraire direct qui remonte le grand glacier Alibek.
Nous reprenons les traces de la veille, qui zigzaguent dans un terrain
planté d’arbustes avant de franchir la moraine, et prenons pied sur le
glacier, dont nous parcourons la longue langue terminale. Nous
contournons le ressaut qui barre l’accès à la branche droite du
glacier, en empruntant un couloir dévasté par une énorme avalanche.
Après une centaine de mètres raides et délicats, que la plupart
choisissent de gravir à pied, nous pouvons poursuivre à skis plus
sereinement, en longeant une impressionnante paroi verticale qui
descend des contreforts du Djalovchat. La progression est rendue
laborieuse par la chaleur de ce versant exposé au soleil, et par la
neige qui colle sur les peaux. Le terrain devient petit à petit
davantage crevassé, il nous faut contourner ou franchir prudemment
quelques ponts de neige, puis nous traversons une nouvelle fois la zone
chaotique de l’avalanche, envahie de blocs, et surmontée de séracs
n’incitant pas au farniente…Pour atteindre le grand plateau glaciaire
qui donne accès au sommet, il nous faut encore franchir une pente raide
en neige dure, coupée de quelques crevasses, qui exige d’utiliser les
couteaux, et de réaliser quelques conversions délicates.
Une fois regroupés sur le magnifique plateau glaciaire, à l’abri des
séracs, nous rejoignons la base d’un rognon rocheux, où nous chaussons
les crampons pour gagner l’arête terminale par une raide pente de
neige. Nous ne sommes plus séparés du sommet du Djalovchat que par une
longue arête en terrain mixte, et Victor, déjà étonné d’être arrivé
jusque là, s’effraie que nous envisagions seulement de la gravir, nous
rappelle l’heure déjà tardive et nous convainc de nous contenter de
l’antécime voisine, qui domine le col Sulachat et les pentes gravies la
veille. Le temps est resté magnifique et nous pouvons profiter d’une
vue dégagée jusqu’au lointain Elbrouz.
Tandis que le groupe redescend à pied par les traces de montée en rive
droite du rognon, Bruno et François chaussent les skis et plongent
directement par les superbes pentes de sa rive gauche. Tout le monde
enchaîne ensuite une longue et magnifique descente, et nous parvenons à
éviter le couloir d’accès gravi le matin, en coupant rive gauche par de
raides pentes dominant le ressaut inférieur. Il ne reste plus qu’à
descendre la langue terminale du glacier Alibek, franchir la moraine et
reprendre en sens inverse les traces au milieu des arbustes, pour
regagner tardivement le camp .
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Sofrodju ( sommet 3780 m )
Premier sommet gravi en été dans sa jeunesse par Alexei, son nom
signifie « Mont Blanc ». Il est défendu dans ses 800 premiers mètres
par un long passage de raides terrasses ou dalles rocheuses d’érosion
glaciaire, que nous avons scrutées à la recherche d’un itinéraire,
depuis les crêtes de Mussa Achitara.
C’est un objectif évident majeur pour
la « division 1 «, certains battrons ce faisant leur record de
dénivellation ( env 2300 m !! )
Une première tentative avorte dans le mauvais temps, après un
cheminement en rive d’un grand couloir, restes d’avalanches et ressauts
assez raides, dont la sortie sur le plateau du glacier ne s’annonçait
pas vraiment aisée.
Pour la deuxième tentative, on choisi le long couloir qui, à main
droite, donne accès au plateau supérieur, mais s’avèrera aussi
canaliser les coulées qui purgent les chutes de neige récentes : 900 m
de montée raide sous les coulées permanentes, que seul un départ
nocturne aurait éventuellement permis d’éviter à la montée.
Nous voilà donc une nouvelle fois en route vers le Sofrodju. Nous
remontons rapidement le fond du vallon, contournons la gorge en rive
gauche par le cheminement repéré deux jours auparavant, et rejoignons
le vallon au moment où il s’élargit. Au lieu de poursuivre au sud et de
monter en rive droite du glacier, comme nous avions commencé à le faire
lors de notre première tentative, nous nous engageons en rive gauche
dans un impressionnant couloir dominé par une paroi très raide haute de
près de 1000 m. Au cours de notre progression, le soleil chauffe la
neige tombée les jours précédents, qui s’évacue bruyamment en petites
avalanches. Au début plus impressionnantes que dangereuses, elles
deviennent bientôt plus importantes, et nous accélérons l’allure pour
sortir du couloir et nous mettre à l’abri sous un promontoire rocheux.
Nous nous inquiétons cependant pour Olivier et surtout Alexei, resté
loin derrière, et que Victor prévient régulièrement par radio de
l’arrivée d’une nouvelle purge.
Nous voici heureusement tous regroupés en haut du couloir, et chacun
peut profiter d’une pause bienvenue, en observant les coulées toujours
plus nombreuses et conséquentes.
Nous choisissons de traverser rapidement en légère descente vers le
replat glaciaire, et nous entamons bientôt la longue remontée du
glacier du Sofrodju, dans une ambiance maintenant toute différente, car
les nuages venant du sud-ouest ont fini par s’imposer et masquer les
sommets. Nous progressons en nous relayant régulièrement pour faire la
trace dans la neige fraîche et poudreuse, mais la visibilité
s’amenuise, et nous ne voyons bientôt plus qu’à quelques mètres. Nous
parvenons cependant, par un grand mouvement vers la gauche, à rejoindre
l’arête, puis le col au pied du sommet. Les nuages laissent parfois
passer quelques rayons de soleil, ce qui nous permet de deviner
l’itinéraire. Nous gravissons une large pente de neige sur les derniers
deux cents mètres, laissons sur la gauche un vague sommet plus ou moins
rocheux surmonté d’un grand bâton, que certains, dans leur espoir d’en
finir, veulent prendre pour le point culminant, et parvenons
finalement, skis aux pieds, au sommet du Sofrodju, reconnaissable à une
croix plantée en contrebas. La visibilité est nulle, il neigeote
doucement. Nous nous congratulons en attendant Olivier, qui peine un
peu sur les cents derniers mètres, et Alice qui a failli se mettre dans
un pot.
Victor signale notre succès à Alexei, resté loin derrière.
Nous entamons bientôt la descente, retrouvons Alexei en contrebas, et
rejoignons le col. Bénéficiant d’une belle éclaircie, nous coupons
directement sous le col pour rejoindre le glacier et enchaîner de
magnifiques virages dans une poudreuse de cinéma.
La visibilité s’améliore petit à petit, et nous rejoignons bientôt le
couloir remonté le matin, où les coulées ont cessé de dévaler, non sans
laisser d’innombrables traces et débris. Après une laborieuse descente
diversement appréciée, nous nous retrouvons tous en bas du couloir, et
achevons notre descente jusqu’à Dombai…
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Aujourd’hui, le temps est franchement neigeux, de gros flocons tombent
bien verticalement.
Certains se contentent de promenade en forêt ou de tourisme à Dombai,
d’ un bon déjeuner de « shalsnicks » au Kaphé « Vertical », et
remontent à pieds la piste d’Alibek, les sacs à dos pleins de boissons
du genre vodka…..ou d’achats au petit marché.
D’autres parcourent les combes versant sud qui dominent le camp
Allibeck, ou font un concours de vitesse de dénivelée en mètres par
heure !!
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Vallée de Muchu
En remontant la route qui mène à Dombai, nous avions repéré au
voisinage du village de Teberda une vallée adjacente qui s’ouvre à
l’Ouest vers un massif d’où émergeaient de beaux sommets entièrement
blancs.
Le temps incertain au voisinage de la chaîne principale nous incite à
aller visiter cette vallée, dont la piste d’accès est réputée
traficable en 4x4.
L’idée était effectivement excellente.
Après un accès assez difficile où notre véhicule a rendu l’âme, en
dépit de l’ingéniosité du chauffeur qui a tenté de réparer sa
transmission en prélevant un boulon de fixation de la portière, nous
avons été sauvés par l’accompagnement d’un 4x4 du dernier modèle made
in Japan, où deux sympathiques russes allaient pour pratiquer leur «
ski rando » à eux : monter à pieds en chaussures de piste et
redescendre quelques centaines de mètres. Nos amis – aux moyens
financiers manifestement solides – ont pris note de toute notre
technologie en matière de ski de rando.
Le cirque qui se dévoile ensuite est un vrai paradis pour le randonneur.
Une avalanche nous barre la route, son cône final est formé de blocs
énormes. Elle est partie 1500m plus haut, puis a coulé sur une distance
impressionnante à la quasi horizontale.
Ladick s’amuse à la traverser, et pour en sortir, doit jeter son
matériel quelques mètres en contrebas. Les skis atterrissent sur les
bâtons, dont l’un se plie en deux sous l’impact. Ladick finira la
course ( et la semaine ) avec les deux demis bâtons enquillés l’un dans
l’autre, et scotchés à l’élastoplast.
Nous gravirons une première fois un sommet ( coté env 3200 m ), par une
très belle combe orientée plein nord, et une météo tout à fait
acceptable, alors que la « division 1 « marquait son but au Sofrodju.
La pente finale est assez raide et peu engageante, Thierry se sacrifie
pour tracer, ses petits camarades bien à l’abri, mais sans avoir pris
la précaution de communiquer son code de Carte Bleue….
Nous sortons à skis au sommet, le panorama est sans limite sur 360°,
cirque des montagnes proches entre 3000 et 3600 m, dominées vers le sud
par la grande chaîne, au Nord Est le géant Elbrouz, et puis la neige
laisse la place à la steppe plus aride : c’est l’immensité vierge du
Caucase.
La descente, dans une poudreuse de rêve.
Nous retournerons une deuxième fois à Muchu, par un temps magnifique,
pour gravir en petits groupes dispersés, et au gré des envies,
plusieurs sommets que nous avions repérés, pyramides, dômes et plans
inclinés, combes anonymes, et un beau sommet côté 3230, dont l’aspect
alpin et l’enneigement très abondant ne laissaient pas présager un
accès aisé à skis, baptisé « Thierry Pic », en l’honneur du découvreur
de son itinéraire, qui au retour nous gratifie d’une séance spéciale de
tchatche en délire.
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Tichy Teberda ( 3170 m env )
Nous sommes déjà samedi, jour du départ de Nicolas, Alice et Thierry
qui nous quittent très tôt pour prendre l’avion directement à
Mineraldye Vody pour Moscou et Paris.
Véronique et Jean, fatigués ou légèrement blessés et accompagnés par
Ielena préfèrent utiliser le camion qui par la route et la piste
achemine les bagages. Ils font au passage les courses pour la dernière
semaine, et rejoignent notre hébergement prévu à Aksa’ut.
Le restant du groupe doit traverser par un col, celui de Tychy Teberda
étant choisi comme le plus « aisé «
Mais le ski de rando est plein d’imprévu lorsqu’on est dans le Caucase.
Le col de Tichy Teberda est en fait au moins triple, à la lecture de la
carte.
Nous optons pour celui du centre, à priori le plus « fréquentable » sur
le versant Aksa’ut, mais la représentation du relief reste
approximative.
Nous remontons la première combe à droite, dès la départ du Camp, et
par de belles pentes en neige transformée, atteignons l’échancrure du
col
Sur l’envers, une corniche imposante domine une pente assez raide et
surtout très chargée, d’au moins 200 m de haut, nous promet un travail
de terrassement important, et un risque majeur vis à vis de la
stabilité du manteau neigeux.
L’environnement est impressionnant : évidemment aucune trace, de
grandes accumulations partout, des coulées de poudreuse se déclenchent
spontanément
Nous recherchons un passage plus aisé à proximité, sans succès.
Le temps se couvre, il commence à neiger.
Quelques uns continuent vers le sommet du « Cemenov Bachy « ( 3600m env
), ou son antécime skiable qui nous domine, et nous rejoignent sur
l’itinéraire de descente.
D’un commun accord, nous décidons de rebrousser chemin, de rejoindre
dès le lendemain Aksa’ut par la piste, pour y retrouver Jean et
Véronique qui ont fait le trajet aujourd’hui.
A mi chemin du retour sur Alibek, les communications par téléphone se
rétablissent : Alexei reçoit un appel de Ielena. le camion est bloqué à
l’entrée de la vallée d’Aksa’ut par un barrage militaire, et rien n’a
pu être négocié sur place, malgré tous les contacts pris depuis des
semaines, et les assurances et accords que l’on avait obtenus des
autorités.
Heureusement donc que nous n’avons pu traverser le col de Tichy
Teberda, nous aurions été fraîchement accueillis, le repas aurait été
des plus symboliques, et le séjour un peu compromis !!.
Pour l’instant, il s’agit de trouver un hébergement pour la prochaine
nuit, et pour Alexei, d’arriver à contacter ses correspondants – ce qui
n’est possible, en utilisant les moyens des services de sécurité
locaux, que par vacations radio à heure fixe.
Retour à Dombai, hôtel, un samedi soir, on se contente d’un style très
soviétique, austère, mais où les russes vont volontiers « faire la fête
», un bon repas dans un « Kaphé », malgré une télé qui passe en boucle
des reportages sur l’héliski et l’hélisurf sur la planète …horreur……….
Rien ne peut se régler ce soir, nos interlocuteurs devant être joints
par radio demain vers 10h00.
Nous échafaudons un plan de secours : séjour dans la vallée de Baksan,
à partir du « Camp Elbrous » , Adylsu, etc – ce qui nécessite d’obtenir
au pied levé les autorisations pour rentrer en Kabardino Balkarie, et
les permis pour zones frontière, etc, ce que prépare Alexei par
contacts téléphoniques.
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Aksa’ut, vallée interdite
Pendant la mise au point de notre programme, Alexei m’avait proposé
Aksa’ut, en précisant bien les données de base, et les aléas latents (
ce qui m’avait encore plus incité à cette option ) :
Aksa’ut est une très longue vallée qui s’enfonce au cœur de la grande
chaîne, dans un cirque des plus sauvages, grands sommets à près de
4000, glaciers importants, etc.
C’est surtout une vallée longtemps fermée – même aux russes – et
classée stratégique, du fait de la présence de gisements de tungstène :
une base de géologues, et un centre de recherche minière ( entre 1800
et 2800 m !!) – probablement un peu style « goulag », y ont fonctionné
pendant les années 1960 à 1990, le tout sous la protection de l’armée.
Les restrictions n’ont été levées qu’à partir des années 2000 environ,
autant dire que la venue d’un groupe de « touristes » français est une
situation très nouvelle ! Qui plus est en hiver pour pratiquer un sport
inconnu !
Donc, encore moins de référence pour les courses, nous serons les
premiers de chez les premiers avec nos skis !!
L’accès – nous le verrons plus loin – est aussi problématique, et
l’enneigement très abondant de cette année nécessitait une préparation
de la piste et des moyens capables de surmonter les obstacles naturels,
le tout à un prix qui devait rester « marginal » pour rentrer dans le
budget.
L’hébergement avait aussi fait l’objet d’une négociation particulière
avec le chef de la vallée – qui est à la fois le responsable des
secours, de la protection civile, et aussi militaire - il garde
volontiers sa kalachnikov à portée de mains – et surtout propriétaire
de la « base géologique », qu’il a su transformer et rénover de façon
intelligente, probablement par « récupération » de l’existant antérieur.
Le prêt de ses installations était la solution pour nous héberger.
Dernier obstacle – et non des moindres : la présence programmée d’un
groupe de militaires russes, « un peu spéciaux » comme disait Alexei,
en fait des membres des forces spéciales russes dont la vocation est
l’intervention hors territoire national – en camp d’entraînement à
Aksa’ut, et avec qui il fallait convenir d’un modus vivendi de
cohabitation, pas très évident !!
L’avantage était que les travaux de viabilisation de la piste d’accès
seraient de fait largement au frais de l’armée russe, que l’intendance
sur la base s’en trouverait mieux assurée pour nous,– le propriétaire
ne pouvant faillir devant ses engagements officiels –
Le risque était aussi que ces messieurs décident de préférer rester
seuls et discrets, et de s’approprier les lieux. ( ce qu’ils ont fait
le premier jour, en barrant l’accès à la vallée pour y mener leur
petite guéguerre )
Une condition préalable était de ne jamais prendre leurs visages en
photo.
Enfin, l’un d’entre nous étant aussi membre de services « un peu
spéciaux » côté Français, et se trouvant dans une situation
d’obligation d’anonymat professionnel, appréhendait de pouvoir se
trouver de façon impromptue face à quelque connaissance …….
En fait, cette cohabitation n’a posé aucun problème, quelques
discussions en passant devant nos « isbas » respectives, et même sauna
commun, les militaires spéciaux russes ayant sans le savoir partagé les
lieux dans le plus simple appareil avec un de leur collègue français,
plongé ensemble dans le trou d’eau glacée, et procédé aux
traditionnelles séances de flagellation réciproque aux branches de
bouleau ……….
Alexei réussit à joindre ses correspondants, à la vacation de 10h00, et
tout est – en principe – arrangé : le chef de la vallée – qui n’était
pas au courant du barrage militaire de la veille et nous avait attendu
de l’autre côté jusque vers 18h00, sera présent pour nous ouvrir la
route.
Lundi, nous quittons Dombai avec notre camion, les bagages, le stock de
nourriture pour la semaine : sur le petit Marché, François se déguise
en « maïa l’abeille », bonnet, écharpe et chaussettes en laine jaune et
noire du plus bel effet.
Nous redescendons la vallée de Teberda, et tournons à gauche à la
sortie de Karachayevsk, pour après un tunnel, rentrer enfin dans notre
vallée d’Aksa’ut !!!
Très vite, la route fait place à une piste, et nous abandonnons le
minibus pour nous entasser dans notre camion « Gaz », assis sur
bagages, sacs, et stock de nourriture.
La remontée de la vallée commence, la piste devient de plus en plus
chaotique, puis enneigée: 50 km de long, près de 4 h de route, dans des
conditions qui deviennent inquiétantes. La piste a été ouverte
par un bull sur chenilles, qui a dégagé les plus gros obstacles, mais
notre « Gaz », pourtant le meilleur engin tout terrain, a parfois
beaucoup de mal pour se sortir de passages de gués, ou de coulées de
neige particulièrement épaisse. A 10 km de la base, un bull
sur chenille nous attend, pour venir en aide. Il neige de plus en plus
fort. Une angoisse : y a t il assez de carburant au moins pour
atteindre le but ?? on se lance dans des calculs de consommation, et on
conclut que si notre chauffeur pourra nous amener à bon port, il ne
pourra pas redescendre dans la vallée.
Aujourd’hui, les militaires « spéciaux » sont absents, mais sont prévus
remonter demain mardi.
Nous arrivons à la nuit tombante à la « base », ( alt 1875 m env ), et
découvrons dans ce bout du monde à l’isolement absolu, un petit bijou
dans une forêt de pins : la maison qui nous est prêtée, groupe
électrogène, chauffage par chaudière au bois, douche, cuisine ,
cheminée, sauna à proximité, et même une télévision satellite, qui
permet aux fanatiques de capter les chaînes françaises ….
Nous voilà bientôt tous réunis devant un bon repas préparé par Ielena,
et sortons du « frigo » ( un trou dans la neige ), les premières
bouteilles de vodka..
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première course : tout le monde remonte dans la vallée voisine qui mène
au col de Tichy Teberda – que nous devions traverser depuis Alibek –
une piste agréable traverse la forêt et amène à l’entrée d’un cirque
dont on a de la peine à appréhender les dimensions
Le temps est un peu brumeux, soleil voilé, mais froid
Les 2 groupes se séparent
Antécime du Gran Marka ( 3450 m env )
Nous poursuivons dans le fond du vallon, qui nous semble plat et
interminable. Sans nous en rendre compte, nous prenons cependant de
l’altitude, et nous progressons bientôt dans une solitude totale et une
ambiance féerique : les nuages se déchirent petit à petit, le
soleil devient plus présent, les sommets se dévoilent doucement, nous
avons l’impression d’être complètement perdus au milieu d’immensités
blanches.
Le vallon de Tichy Teberda s’oriente à l’est, puis au nord, nous
passons au pied du sommet voisin du Cemenov Bache, que nous avions
gravis depuis Allibeck, avant de renoncer à traverser sur Aksa’ut.
Le dernier cirque se dévoile enfin, laissant apparaître
l’impressionnante muraille sud du Gran Marka, au lieu du glacier que
suggère la carte topographique… Inutile d’espérer gravir le Gran Marka
par ce versant, nous nous rabattons sur une antécime au sud-ouest, qui
semble accessible par son arête. Nous rejoignons celle-ci et la suivons
vers le sommet. C’est alors que nous voyons toute la pente sous le
sommet glisser sans bruit : la neige fraîche tombée les jours
précédents, réchauffée par le soleil, et pas encore consolidée, s’est
détachée sous l’effet des vibrations que nous avons provoquées,
validant notre choix de progresser prudemment sur l’arête. Au vu de
l’instabilité du manteau neigeux, nous renonçons à poursuivre jusqu’au
sommet et nous satisfaisons d’un petit gendarme sur l’arête, qui offre
déjà un beau point de vue sur toute la vallée. Les conditions ne sont
malheureusement pas assez bonnes pour traverser le col en contrebas et
rejoindre ainsi directement le début de notre long vallon, et nous
préférons descendre en suivant tranquillement les traces de montée.
JJ Pik ( 3200 m env )
La deuxième division remonte les belles pentes rive gauche, passages
assez raides, avec 20 à 30 cm de neige fraîche posée sur une croûte
bien gelée, où Olivier ( allergique aux couteaux ), et Philippe ( aux
conversions parfois aléatoires ), redescendent sur les fesses les zig
zag péniblement gravis.
On débouche sur une arête qui conduit skis aux pieds à un sommet
anonyme, baptisé « JJ Pik « , JJ qui a en outre l’honneur de tracer en
tête l’arrivée à ce sommet vierge ( à skis ) et qui porte désormais ses
initiales !!!
La descente – où comme d’habitude les pentes qui avaient été gravies
avec grande précaution à l’aller sont parcourues au plus direct :
conséquence, quelques belles coulées sur les quelles Victor et Philippe
effectuent une partie du trajet retour.
La neige reste superbe jusqu’à la base, légère à souhait.
Au camp, Ielena a préparé, comme chaque jour, le « lunch de l’après
midi », soupe aux champignons, fromage, toasts, viande séchée non pas
des Grisons mais du Caucase ( Le « Basturma » aux épices ), gâteaux en
tous genres, et bien sûr thé et vodka, à consommer selon les principes
exposés par Alexei, qui nous résume la journée avec ses allégories
russes.
Il révèle avoir communiqué avec les divinités Tcherkesses qui ont bien
voulu accepter de nous laisser venir à Aksa’ut, et nous ont permis de
découvrir dans d’aussi belles conditions ces montagnes restées secrètes.
Il explique que JJ est maintenant baptisé, et intronisé « vieux du
Caucase », et s’appelle maintenant JJ Ko
Nous évoquons ensemble d’autres massifs, d’autres rêves : Khola au nord
du cercle polaire, le Kamtchatka, le Pic Lénine au Pamir, les Montagnes
Célestes, et moins loin de nous, l’Elbrouz par son approche Nord, les
montagnes mystérieuses de l’Ossétie du Nord, Digora, les grands
glaciers de Karaugom et de Tsey, le plus grand bassin glaciaire du
Caucase avec celui de Bezinghi, photographiés par Vittorio Sella avant
1900, les vallées d’Uruck, d’Ardon, affluents du fleuve Tereck, non
loin du Kazbeck, où peut être, l’année prochaine, j’aimerai bien
renouveler notre exploration à skis !!
Le soir, Laurent entame ses séances de dopage aux pâtes, dont il
enseigne à Ielena l’art de la préparation.
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Cirque de Khalega
Journée magique et chacun pour soi.
Aujourd’hui, grand beau temps, froid ( - 12° le matin ).
Nous remontons, légèrement en aval de la base, la vallée qui en rive
gauche, par un long goulet, mène à un plateau intermédiaire, inondé de
soleil, et qui s’ouvre sur un vaste cirque, où d’innombrables vallons
et sommets attendent nos spatules.
Philippe découvre qu’il a oublié son Arva, et retourne le chercher.
Tout est trop beau, le groupe éclate , et par petits paquets chacun va
où bon lui semble
Nous gravirons différents sommets – toujours anonymes – .
Plutôt que de monter sur le premier repéré qui me semble, en observant
ceux qui sont devant, en neige dure, je tire à main gauche vers une
belle pyramide qui est manifestement en neige profonde. Par une longue
trace autour d’un lac où j’enfonce dans 60cm de poudreuse, puis dans
une face bien raide, je retrouve François qui est monté en partie à
pieds par l’arête mixte.
Rejoint par Laurent, déchaîné par la beauté des conditions, et qui nous
a repéré depuis le sommet d’en face, ils vont faire une très belle
trace de descente tout en sinusoïde.
Nous continuons à errer dans ce paysage, puis replongeons sur le
plateau inférieur où nous nous regroupons.
D’autres itinéraires nous tendent les bras : avec Laurent et Olivier,
nous remontons skis aux pieds puis sur le sac, le raide goulet qui
ferme le plateau au fond à gauche, et qui donne accès à un nouveau
cirque, solitude absolue, dominé par le Karakaya, « pyramide noire «
très beau sommet rocheux strié de couloirs enneigés, de 3900 m env, qui
éclipse les autres grands sommets de près de 4000m, Aksa’ut , Maruck.
Un dernier effort, une descente en poudreuse, et c’est le retour à la
base.
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Aux pieds de la chaîne principale
Le fond de la vallée
d’Aksa’ut garde encore son secret, un grand sommet rocheux, l’Aksa’ut
lui même ( alt 3900 env ), un autre déjà connu, le Djalovchat ,
approché deux fois depuis Alibek, une couronne d’autres sommets
toujours très alpins et de fière allure, plusieurs glaciers importants,
dont le « Lednick Djalovchat », le plus grand de l’Ouest Caucase ( 8 km
de longueur ), de multiples vallées adjacentes à découvrir à skis
malgré un aspect glaciaire assez « hard » !!.
Nous savons que le glacier Djalovchat se prolonge vers la vallée par un
gorge, plutôt un canyon, car parfois étroit de quelques mètres et
dominé par des parois quasi verticales de 100 à 200 m de haut.
L’enneigement exceptionnel nous fait tenter le passage par la gorge,
que nous espérons praticable ??
En fait, la taille des blocs et des trous d’eau qui font obstacle nous
font dévier à mi chemin, et crampons aux pieds, nous rejoignons en rive
droite des terrasses parsemées d’arbres qui dominent l’étroiture.
Une mère chamois et son petit s’échappent par les pentes de la rive
gauche.
Arrivé au dessus de la langue terminale du Glacier Djalovchat, immense
plan incliné de près de 6 km de long, le groupe se sépare.
Djalovchat par le versant Aksa’ut
Par une longue traversée en neige dure, nous rejoignons le fond du
vallon, juste avant qu’il se transforme à nouveau en une étroite gorge
dans laquelle nous nous engageons, mais qui n’oppose pas d’obstacle
comme la précédente. Nous en sortons rapidement pour prendre pied sur
la langue terminale de l’immense glacier Djalovchat, que nous remontons
jusqu’au moment où il se redresse soudainement, laissant
apparaître de nombreux séracs.
Nous faisons une courte pause
déjeuner, avant de reprendre notre ascension, en montant directement au
milieu du glacier, par une pente raide délimitée de chaque côté par de
nombreuses crevasses. La pente s’adoucit petit à petit, pour former une
belle rampe qui s’incurve à gauche, puis rejoint les dernières pentes
sous le col, peu raides mais gavées de neige plus ou moins transformée.
Celle-ci se tasse parfois avec soudaineté, faisant quelques frayeurs à
Bruno, qui fait la trace, et a régulièrement l’impression de tomber
dans une crevasse …
Nous arrivons finalement à la rimaye, sous le col qui donne accès à
l’arête ouest du Djalovchat. Le temps est resté jusque là bien dégagé,
mais les nuages commencent à s’attarder sur la crête frontière. Laurent
préfère renoncer à poursuivre car il n’a pas apporté de piolet. Bruno,
François, Jean et Pascal s’assurent pour passer la rimaye, et
poursuivent en crampons sur l’arête, dans une ambiance sévère, du fait
d’une visibilité de plus en plus réduite, sauf à l’occasion de timides
éclaircies, qui nous laissent entrevoir les 400 mètres d’arête. Nous
parvenons bientôt au pied d’un ressaut rocheux, que l’on peut franchir
directement par une escalade facile, ou bien contourner par un vague
couloir en versant nord. Au-delà, l’arête devient à nouveau neigeuse
jusqu’à un monticule que nous prenions pour le sommet, mais qui marque
en fait un nouveau passage rocheux très aérien, que nous jugeons
impossible de traverser sans assurance. Du fait de l’heure tardive et
du manque de visibilité, nous renonçons à poursuivre, et nous
rebroussons chemin, non sans un dernier regard vers le sommet qui
apparaît dans une brève éclaircie, et dont nous ne sommes plus séparés
que de quelques dizaines de mètres. Mais le Djalovchat aura eu raison
de notre motivation jusque dans notre troisième tentative, qui n’aura
jamais été si près d’aboutir…
Nous descendons prudemment, d’autant que la fatigue commence à se faire
sentir, et rejoignons finalement Laurent, resté au col, et content de
nous voir revenir après plus de deux heures d’attente.
La descente sur le glacier est facilitée par une visibilité qui
s’améliore nettement, mais nous ne pouvons vraiment en profiter, tant
la neige est imprévisible, durcie par endroits et inconsistante sur une
grande profondeur en d’autres.
Au lieu de reprendre la rampe suivie à la montée, nous restons bien en
rive droite pour contourner la zone crevassée inférieure, et descendons
rapidement par une grande traversée jusqu’au bas du
glacier. Après la petite gorge traversée le matin, nous
remontons en peaux de phoque une cinquantaine de mètres pour contourner
la grande
gorge inférieure, et rejoignons les traces laissées par la division 2
au retour du col Alibek, qui nous mènent rapidement jusqu’à Aksa’ut, où
nous arrivons peu avant la tombée de la nuit.
Col Alibek ( 3180 m env )
Les très honorables membres de la division 2, un peu inquiets devant la
barre de nuages qui enveloppe les grands sommets, et la dimension
impressionnante du glacier, choisissent de se tourner vers le vallon
qui mène au col, déjà atteint par son versant opposé : après un départ
exposé en neige glacée, une belle vallée ondoie à travers des ressauts
rocheux puis s’élargit dans sa partie finale. Arrivés au col sous le
soleil, joie et embrassades, nous avons « bouclé la boucle »
Une plaque commémore les soldats qui, pendant la 2ème guerre mondiale,
ont tenu cette position face aux dernières avancées des armées nazies.
Photos, vidéo : la neige est superbe, le cadre magnifique.
Avec Ladick nous redescendons vers la langue finale du « Lednick
Djalovchat », pour rechausser les peaux vers la terrasse qui permet de
passer au dessus de la gorge.
Après quelques péripéties forestières, nous rejoignons la plaine en
descendant un cône à la géométrie parfaite, probablement le talus des
matériaux extraits des galeries des mines de tungstène.
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Aujourd’hui, dernier jour de ski.
Grand Marka ( 3758m env )
Malgré la fatigue occasionnée par l’ascension du Djalovchat la veille,
nous voulons profiter de notre dernière journée dans la vallée
d’Aksa’ut, qui s’annonce encore bien ensoleillée. Nous choisissons de
tenter à nouveau le Gran Marka, qui s’élève 1900 mètres au-dessus de
nos têtes, cette fois par son versant nord-ouest, que nous avons pu
observer depuis Khalega, et qui semble plus skiable que le versant sud.
Nous reprenons les traces qui mènent dans la vallée de Tichy Teberda
jusqu’au grand replat à la sortie de la forêt. Là, au lieu de
poursuivre dans le fond du vallon, nous nous dirigeons vers les pentes
sud de la rive droite. Depuis trois jours, la neige s’est complètement
transformée et durcie, si bien que nous préférons gravir la partie
inférieure en crampons, seul Laurent poursuivant skis aux pieds, mais
avec couteaux.
Nous rechaussons les skis lorsque la pente s’adoucit, et nous
découvrons encore de la neige fraîche dans les versants ombragés.
Nous laissons sur la droite un col qui permet sans doute de rejoindre
le Gran Marka par son arête sud-ouest, et poursuivons jusqu’à une selle
donnant accès à un magnifique cirque où l’on peut deviner deux petits
lacs recouverts de neige en cette période.
De là, nous nous dirigeons plein est vers les dernières pentes sous le
sommet du Gran Marka, où la neige est restée poudreuse.
La pente se raidit progressivement, et la neige devient dure et
cartonnée en contrebas de l’arête nord-ouest. Nous décidons alors de
laisser les skis et de poursuivre en crampons : il reste environ 200
mètres pour atteindre le sommet par des pentes de neige faciles,
coupées de quelques ressauts un peu plus raides. L’édifice sommital
doit être contourné par une jolie traversée en versant sud, et un petit
couloir de neige mène directement au point culminant.
Le panorama est grandiose, avec vue sur tous les sommets que nous avons
gravis ou approchés durant notre séjour : Mussa Achytara , Sofrodju,
Djalovchat, Cemenov Bache, Khalega, etc. Au loin, l’Elbrouz resplendit
sous le soleil, et Laurent pose fièrement à ses côtés, pour atténuer
ses regrets de ne pas l’avoir gravi ! Au lieu des habituels nuages
remontant de Géorgie dans la journée, pour s’évacuer en soirée, nous
remarquons un grand voile de nuages gris élevés, qui s’étend
progressivement depuis l’ouest, et semble annoncer un changement de
temps.
Pascal prévient par radio Alexei de notre nouvelle conquête, nous
profitons un peu de notre dernier sommet, le temps du casse-croûte et
de quelques photos, avant de prendre le chemin du retour.
Les pentes ombragées sont un régal pour la descente, et nous atteignons
rapidement le cirque et ses deux lacs. Au lieu de suivre la trace de
montée, nous préférons traverser plein ouest pour rejoindre l’immense
vallon qui dégringole directement à l’entrée du camp d’Aksa’ut. En
restant rive gauche, nous bénéficions encore de magnifiques pentes de
neige poudreuse, avant de rejoindre le fond du couloir où la neige est
déjà bien transformée. Ainsi s’achève notre dernière course dans cette
magnifique région du Caucase, où les possibilités sont sans limites.
Kourgachimchat ( 3250 m env )
A la fois triste et un peu fatiguée, la « 2ème division » décide
d’aller visiter les pentes qui dominent la base, en direction des
anciennes exploitations minières.
Une piste, un parcours en forêt nous amènent à d’anciens baraquements,
puis nous accédons à skis sous l’arête qui conduit au sommet.
Je préfère rester sur place, et rêver au soleil, devant l’immensité du
paysage en attendant le retour du groupe.
Un long parcours à pieds, dans un terrain en général caillouteux, mène
au sommet, qui est défendu par un ressaut et une corniche de neige dont
le franchissement est délicat. Victor se livre à des travaux
de terrassement, installe une main courante, et certains accèdent au
sommet. Ce faisant, il a chaussé ses crampons et posé ses bâtons au
sol, vite enfouis sous l’accumulation de la neige qui a été remuée.
A la descente, il sera impossible de les retrouver, et Victor devra
skier avec un piolet dans chaque main !!
Le groupe choisit de suivre un couloir, qui descend tout droit, je
préfère poursuivre ma solitude en tirant à droite, à travers la forêt
et rejoindre directement le camp Aksa’ut.
J’y arrive bien avant les autres, et Alexei, me croyant perdu,
s’apprêtait déjà à mobiliser d’hypothétiques secours.
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Dernier repas du soir, Ielena, chante « à capella » des chansons
Ukrainiennes.
Ielena a quitté son Ukraine natale avec sa fille Natacha : elle avait
beaucoup de difficulté à y vivre de son métier de professeur de russe,
et aimait trop la montagne pour habiter un » plat pays »
Des bougies remplacent l’ampoule électrique, les bouteilles de vodka
sont vidées.
Dernière séance au sauna, petit bâtiment en bois, 3 pièces, salle de
repos, douche et sauna lui même où il fait si chaud que l’on ne peut
rester que quelques minutes avant d’aller se rafraîchir en se plongeant
dans le trou d’eau, presque fermé par la couche de glace.
La météo déjà menaçante, se dégrade encore, une grosse perturbation
venant, comme toujours de la Géorgie, se déverse par dessus la
frontière.
Le lendemain matin, nous chargeons une dernière fois tout notre « bazar
» dans le camion « Gaz », qui est arrivé avec ponctualité, un petit
salut à nos voisins « un peu spéciaux », qui ont mis en service un fil
neige, du même type que celui d’Alibek, et s’initient au ski » de piste
»: mieux vaut cependant que leur prochaine mission ne se déroule pas
dans un pays aux montagnes enneigées !!
Nous reprenons à la descente la longue piste en direction de
Kislovodsk, intermède de tourisme avant de prendre l’avion du retour à
Mineraldye Vody.
Petite halte au franchissement d’un pont, ou plutôt ce qu’il en reste ,
vu la dimension ses trous ouverts dans le tablier, à travers les quels
on voit gronder le torrent !!
Notre bon vieux « Gaz » a eu la gentillesse d’attendre les premiers
kilomètres de goudron pour rendre l’âme : consommant presque autant
d’huile que de gasoil, nous l’avons troqué contre 2 minibus poussifs,
mais en état de marche
Kislovodsk, ville d’eaux, fondée par les Tsars et dont l’architecture a
été préservée par le régime soviétique.
Il fait délicieusement bon, les tenues des jeunes russes émoustillent
certains.
Nous dînons le soir sur la terrasse d’un « Kaphé », repas de qualité,
avec des « shalsnicks » d’Esturgeon et d’autres spécialités
Géorgiennes, accompagné de vins agréables, qui n’auraient pas déplus au
camarade Staline !!.
Lever matinal, il ne s’agit pas de rater le vol – le seul de la journée
– qui nous ramène à Moscou, ni de se priver de la visite au marché de
Piatigorsk, où l’on trouve des produits frais dont il serait dommage de
ne pas ramener quelques échantillons en France !!
Surprise : il neige, 10 cm sont déjà au sol !
Nous sommes à peine à 600 m d’altitude, dans une région sèche et au
climat doux, qui ne voit pas tel événement une fois tous les 10 ans !!
Là haut, à Aksa’ut, à Alibek, à Dombai, à Arhyz, sur la grande chaîne
du Caucase, la neige s’accumule à nouveau, la poudreuse se reconstitue,
mais nous ne serons plus là, et personne d’autre d’ailleurs, pour y
réimprimer nos traces.
J J Ko