De Nemours à Nemours,avec Xavier, dimanche 27 décembre09.
Non sans humour, un vieux blog de la fin de la première décennie du XXI e siècle. Vous le saviez déjà, la randonnée n'est que littérature. Xavier, savant préparateur de raids exotiques en banlieue proche, nous promettait de passer entre les pattes d'un éléphant, sans compter l'ascension du Mont Blanc, faisant frémir en nous les petits Frizon-Roche. |
Dans le train il déploya la carte, ce qui somme toute est plus parlant qu’un écran de GPS, avec toutes ces couleurs et ces lignes. Nous vîmes la boucle, et son doigt qui parcourait le vert et les petites courbes marron, parfois frileusement serrées, signe certain du dépassement de soi.
Il dit « Vous allez voir, ça tourne dans tous les sens ! ». Nous avions déjà le tournis, car d’après mes calculs, nous étions partis pour faire du 5,5 à l’heure très exactement et sans les pauses. Dans son petit carnet, Xavier notait les noms de ses participants au cas ou il en perdrait.
Nous empruntâmes le chemin des vététistes : c’est étroit, zigzagant et pleins de petites bosses, pas mal du tout. Il faut se projeter dans les descentes, et grâce à la vitesse acquise, ça remonte tout seul, ou presque. Le terrain : d’abord sableux, presque poudreux, à peine tassé par la pluie vite chassée par le vent ; ça soufflait au sommet du Mont Blanc ! L’ascension fut rapide et couronnée de succès. Le soleil commençait à chauffer, il fallut redescendre rapidement.
Au sable blanc succéda la glaise, quelques pentes raides et glissantes (là il faisait vraiment chaud). Dans les champs, nous adoptâmes la marche de l’empereur, qui consiste à se balancer d’un pied sur l’autre. On peut éventuellement secouer le pied pour se débarrasser de la terre, mais on risque de perdre sa chaussure.
C’était purement rhétorique, bien entendu, car il était midi et demi passés. A la boulangerie, le vététiste devant moi était moulé (comme sa baguette) dans un tissu noir moucheté de crème jusqu’au cou.
Cela ne nous empêcha pas d’admirer auparavant, la magnifique basilique St Mathurin. Bien avant d’arriver à Larchant, on guette l’apparition de sa tour-chocher, puis on se tord le cou vers le bleu du ciel pour ne pas la perdre de vue. La nef est ruinée, mais deux étages de fenêtres en ogive, et à l’intérieur le chœur impressionnent (XII e). Tant de faste, tant de travail, tant de foi, et ce qu’il en reste dans ce petit village, jadis lieu de pèlerinage à l’eau miraculeuse qui soignait la folie : quels sont nos temples aujourd’hui, pour quels produits miraculeux et pour quelle folie ? Hein, je vous le demande.
Sur ce, la brioche ne fit ni une, ni deux, les trois quarts à vue de nez, un pur délice, dame Johanne avait raison. Il fallait atteindre la dame Jouanne et le chalet Jobert ou ses environs pour déjeuner, vers une heure Xavier l’avait prédit. Nous hésitâmes quelques instants, Xavier nous présentant l’option : intérieur au chaud ou extérieur venteux sableux mais ensoleillé. Nous avions des boissons chaudes, oui mais ce vent… ; ce beau soleil oui mais ce sable humide… Nous balancions et personne ne voulait se résoudre au vote, car dans ces cas ou l’indécision est totale, il faut un bouc émissaire pour manier la clef qui ouvrant une porte, fermera l’autre. Un organisateur est bienvenu dans ces cas là, aussi.
Brioche ou rocher ?
Ce fut donc l’intérieur, mais comme le chalet était fermé, ce fut à l’extérieur. Bien à l’abri du vent, au soleil, autour d’une table. Contingence heureuse ! Sylvie nous l’apprit, elle qui s’initie à la voie mauve (attendez voir !), le chalet changeait de propriétaire et pour l’instant, nul ne sait lorsqu’il rouvrira. Jacques sortit alors son bordeaux (là, je me souviens de Jacques au sommet d’un col pyrénéen sortant du sac une bouteille de Bordeaux pour fêter ça !) et nous fîmes une tablée respectable de huit convives, moitié aveuglés de soleil, moitié dos au chaud. Du coup je ne sais plus si l’éléphant vint avant ou après, mais peu importe. Ne vous y trompez pas, la forêt de Fontainebleau regorge de pachydermes (désolée, c’est aussi irrésistible que la brioche) : Apremont
Larchant
Si d’aventure vous vouliez, ô randonneur ! , emprunter la voie mauve, ne commencez pas par la fameuse arête de Larchant (15m du sol au sommet). Il vous faudrait d’abord vous hisser dans une légère conque jusqu'à atteindre main droite une bonne prise au fond d'une sorte d'oreille, puis traverser par une bascule vers la face ouest pour vous rétablir sur une fine vire ; de là, récupérer le fil de l'arête par une bascule vers la droite, puis remonter jusqu'à une grotte que vous enjamberiez par la droite ; puis rejoindre la sortie en face ouest par une traversée en écharpe, sous la boule sommitale. Aérienne, la dame Jouanne tente bien des grimpeurs. D’un pas alerte, nous quittâmes ce croissant de grès stampiens (au Busseau, on oblique résolument au sud-est), et quand le soleil, comme une loupiote rose au bord d’un lit, éclaira d'ombres les environs, nous étions près de fermer la boucle. Finalement, ce fut 31 km à 5,3 km/h de moyenne, pour une randonnée soutenue en style et en intensité. BONNE ANNEE A TOUS, PLEINE DE BELLES RANDONNEES ! |
Commentaires
Bravo ! L'art d'écrire un blog intéressant sans avoir fait aucune photo sur place !
La randonnée qui n'est que littérature? Ce n'est plus une philosophie? Bravo pour l'imagination et pour le style, qui mélange tous les registres pour une narration fabuleuse, hors lieu, hors temps. Un tableau vivant qui aurait pu se suffire sans image.
Bravo aussi aux courageux randonneurs qui ont affronté le froid saisissant pour une distance plus que remarquable compte tenu du terrain gelé! En plus vous avez fait une pause.
Non à la tyrannie des photos.
Oui aux blogs littéraires, philosophiques, historiques, décalés ... ou que sais-je encore !
Sympathique de comparer les cafards à des manchots en fin de compte.
Bonne année à tous, boulangère à 3 têtes, éléphanteaux, pingouins et alpinistes !
Et vive la neige et le froid !
Ben ouais, la randonnée c'est comme le foot, on utilise plutôt les pieds, quoique ça se discute.
En ce qui concerne la tyrannie des photos, on vient de m'envoyer cette citation de Kafka :
"Le regard ne s'empare pas des images, ce sont elles qui s'emparent du regard."
Bravo, et qui prétendra que les éléphants d'Hannibal auraient craint la neige, après ça ?
meilleurs voeux : de balades, de Bordeaux de Jacques, de poésie (à cause des 12 pieds, bien sûr!)
Blog très agréable à lire, merci :-)
La rando hivernale a ses propres plaisirs et sa propre beauté et cet hiver 2009/2010 me semble particulièrement beau.
Bonne année à tous !