





















































































































































































































Simon Florian
Organisateur Alpinisme


Devenir alpiniste, cela signifie être prêt à :
- dormir dans un refuge au confort rustique équipé de couvertures qui ont été nettoyées il y a 3 ans au mieux,
- se lever à 2h du matin parce qu’il y a 3h30 d’approche et 1600m de dénivelé positif pour atteindre le départ de la voie,
- choisir des itinéraires en IV plutôt qu’en 4b,
- finir dans du V+ parce que l’on a raté le vague dièdre mentionné dans le topo - celui à côté d’un rocher caractéristique que l’on rejoint en contournant un gendarme évident par une vire peu marquée,
- faire des relais sur des arbres morts et des blocs coincés dont on est d’autant plus convaincu de la solidité qu’il n’y a pas d’autre solution,
- savoir se vacher au relais avec un nœud de cabestan réalisé de la main gauche sans enlever ses moufles,
- grimper avec 3kg de coinceurs au baudrier, sachant qu’il manquera forcément la taille appropriée lorsque l’on en aura vraiment besoin,
- grimper avec un marteau et 1kg de pitons dans le sac, sachant que l’on n’en aura sans doute pas besoin, mais sachant également que l’on en aura forcément besoin si on ne les prend pas,
- regretter d’avoir porté ses chaussons d’escalade pour rien, parce que finalement cela passait facile en grosses chaussures,
- regretter de ne pas avoir pris ses chaussons d’escalade, parce que finalement le IV+ en grosses chaussures a été plus compliqué que prévu,
- se balader en permanence avec 15m de cordelette pour rééquiper tous les rappels du massif,
- prendre également un piolet et des crampons car on ne sait jamais,
- tirer au clou, parce que c’est quand même plus facile pour passer le petit pas athlétique mentionné par le topo précité,
- savoir faire preuve d’humilité au moment de demander à la cordée de devant d’envoyer un brin de corde parce qu’il n’y a finalement pas de clou sur lequel tirer pour franchir ledit petit pas athlétique et que le dernier point posé est un coinceur douteux situé environ 12 mètres plus bas.
Devenir premier de cordée signifie être prêt à tout ce qui précède, mais également à :
- savoir rester calme lorsque l’on réalise que les traces de passage que l’on a décidé de suivre deux heures auparavant ne mènent pas là où on souhaitait aller,
- savoir réaliser un mouflage Mariner double démultiplié sans pouvoir se connecter à Internet pour retrouver le schéma,
- savoir qu’il vaut mieux aller aux toilettes avant de s’engager dans une voie d’escalade en 27 longueurs ou, à défaut, connaitre le truc pour faire ses besoins en étant suspendu dans son baudrier,
- savoir qu’il existe une différence notable entre le 4c de 2019 et le IV+ de 1960,
- savoir être pédagogue avec un second de cordée épuisé au moment de lui annoncer qu’il va falloir accélérer parce que la météo se dégrade,
- savoir détendre l’atmosphère tout en passant des messages importants, comme par exemple en faisant régulièrement des blagues sur le fait que l’on va devoir improviser un bivouac parce que l’on manque d’efficacité dans les manœuvres de corde,
- savoir faire preuve de sang-froid lorsque l’on réalise qu’il va vraiment falloir improviser un bivouac,
- ne pas dire « le rocher est pourri » mais « le rocher demande de l’attention »,
- ne pas dire « on s’est perdu » mais « il y avait un peu de recherche d’itinéraire »,
- ne pas dire non plus « il faisait un temps horrible » mais « il y avait une belle ambiance » ;
- au final, ne pas dire « c’était un cauchemar, une vraie galère, plus jamais ça ! » mais « c’était une jolie course, un peu engagée, mais à faire absolument ! ».